Dans le petit théâtre de l'Ane Vert à Fontainebleau, la fin d'après-midi de dimanche fut un super moment de musique, d'émotion et de légèreté.
Le trio amateur "Elles-Mêmes", créé dans les années 2000, une alto, une mezzo-soprano et une soprano, présente actuellement sa dernière production : A nos Amours !
Carole Letessier, enseignante et professeure de piano, Marie Tuvache, enseignante, auteur, metteur en scène... et Marion Villaneau, pianiste et arrangeuse de toutes les polyphonies du trio nous ont grattifiés d'un peu plus d'une heure de chanson française d'avant-hier, d'hier et de maintenant.
Après un début tout en douceur accompagné au piano, émotion, respect des textes dans les arrangements absoluments géniaux de Marion Villaneau, les trois chanteuses dont les timbres de voix s'harmonisent si parfaitement, les trois personnalités s'ébrouent et n'hésitent pas la forme "a cappella" pour nous livrer une série désopilante, grivoise juste ce qu'il faut et si drôle que toute la salle s'exclafe ! C'est magique !
Dans une mise en scène de Maud Verger-Marchand (comédienne qui signe là sa première expérience d'un spectacle musical) et dans des tenues scintillantes de Catherine Alhinc, le rythme est soutenu et cela semble si facile qu'on en oublierait presque tout ce que cela a supposé de travail à la fois vocal, musical et scénique. Nous n'avons pas vu le temps passer et lorsque les trois chanteuses nous offrent deux bis, on en redemanderait bien si ce n'était abuser de leur fatigue.
Encore une session dimanche 30 novembre à 15 h ! Courrez-y !
Impressions (très subjectives) ressenties lors des manifestations artistiques auxquelles j'assiste
mardi 25 novembre 2014
samedi 22 novembre 2014
Récital Angela Denoke, soprano - Amphitéâtre Bastille 20 novembre 2014
Dans un ordre ponctué par les lieder du cycle "Les Qautre chants sérieux", de J. Brahms, les derniers composés peu avant sa mort, le récital de la soprano Angela Denoke est parfaitement construit.
Il étire une large période musicale qui va de Stölzel avec le délicieux "Bist du bei mir" (1718), longtemps attribué à J.S. Bach, jusqu'à Richard Strauss, butine A. Zemlinsky et nous mène jusqu'à quelques-uns des lieder du jeune A. Berg (1904-1908).
Ces poèmes mélangés dispersent avec bonheur les ambiances qui passent, avec beaucoup de subtilité, de la gravité à la mélancolie, à la douceur, au lyrisme, à la simplicité, à la poésie fleurie et amoureusement romantique.
La soprano allemande possède un timbre d'une belle couleur ambrée, un magnifique velouté, un moelleux incomparable. D'un bout à l'autre de la tessiture, la voix est large, la ligne se déploie avec facilité, sans jamais se déformer. Cela pouvait suffire très largement à nous faire passer un très beau moment de chant.
Mais Angela Denoke nous propose, de surcroît, une véritable interprétation de ces lieder. Chaque poème a été parfaitement travaillé, compris, chaque phrase est justement exprimée, chaque mot énoncé nous atteint, nous touche.
Très habités, le corps et le visage de la chanteuse nous emmènent et nous portent sur les vers et sur la mélodie. Un sourire, un émerveillement, l'esquisse d'un geste, un regard lumineux... tout nous emporte avec son chant !
On passe, à sa suite, de la gravité à l'amour, du bonheur à la tristesse, du lyrisme à la sérénité, avec le sentiment d'avoir en sa compagnie traversé des émotions d'une profonde douceur.
Karola Theill, la jeune pianiste qui l'accompagne se défend mieux sur Berg et Strauss que sur les partitions romantiques où elle a le toucher un peu lourd m'a-t-il semblé.
Une très belle soirée de chant pur avec deux bis en prime (R. Strauss et Brahms) !
Dès que la chanteuse est reprogrammée à Paris, courrez l'entendre ! C'est la Salomé du moment, il faut en profiter.
Il étire une large période musicale qui va de Stölzel avec le délicieux "Bist du bei mir" (1718), longtemps attribué à J.S. Bach, jusqu'à Richard Strauss, butine A. Zemlinsky et nous mène jusqu'à quelques-uns des lieder du jeune A. Berg (1904-1908).
Angela Denoke |
La soprano allemande possède un timbre d'une belle couleur ambrée, un magnifique velouté, un moelleux incomparable. D'un bout à l'autre de la tessiture, la voix est large, la ligne se déploie avec facilité, sans jamais se déformer. Cela pouvait suffire très largement à nous faire passer un très beau moment de chant.
Mais Angela Denoke nous propose, de surcroît, une véritable interprétation de ces lieder. Chaque poème a été parfaitement travaillé, compris, chaque phrase est justement exprimée, chaque mot énoncé nous atteint, nous touche.
Très habités, le corps et le visage de la chanteuse nous emmènent et nous portent sur les vers et sur la mélodie. Un sourire, un émerveillement, l'esquisse d'un geste, un regard lumineux... tout nous emporte avec son chant !
On passe, à sa suite, de la gravité à l'amour, du bonheur à la tristesse, du lyrisme à la sérénité, avec le sentiment d'avoir en sa compagnie traversé des émotions d'une profonde douceur.
Karola Theill, la jeune pianiste qui l'accompagne se défend mieux sur Berg et Strauss que sur les partitions romantiques où elle a le toucher un peu lourd m'a-t-il semblé.
Une très belle soirée de chant pur avec deux bis en prime (R. Strauss et Brahms) !
Dès que la chanteuse est reprogrammée à Paris, courrez l'entendre ! C'est la Salomé du moment, il faut en profiter.
vendredi 21 novembre 2014
Cléopâtre de Jules Massenet au TCE - 18 Novembre 2014
C'est avec curiosité que je me retrouvai, mardi soir, au TCE pour cette version concert de la "Cléopâtre" de Jules Massenet.
Crée en 1914 - quelques mois après la mort du compositeur - l'oeuvre n'a plus été représentée à Paris, ni ailleurs non plus si l'on excepte les quelques représentations américaines (Chicago 1916 et New York 1919).
Ce n'est qu'en 1990 que l'opéra est produit à Saint-Etienne (ville natale du compositeur), puis en 2004 à Barcelone et, récemment à Marseille en 2013 avec Béatrice Uria-Monzon.
Après coup, je ne peux que me poser la question : était-il vraiment utile de ressusciter cet ouvrage ?
Car, enfin, très loin de ses plus belles pages lyriques (Hérodiade, Thaïs, Manon et Werther, pour ne citer que celles-là), le compositeur n'a pas su, à mon sens, négocier le tournant du XXème siècle. L'oeuvre m'est apparue clinquante et tapageuse, dans une orchestration qui manque de consistance et de lien, dénuée de lyrisme sans jamais effleurer la modernité ambiante de l'époque.
Le livret déroule des épisodes historiques plus ou moins fiables sur la relation Marc-Antoine/Cléopâtre et se termine sur la mort de la Reine.
Malgré la direction, certainement précise et passionnée de Michel Plasson, ni l'Orchestre Symphonique de Mulhouse, ni le Chœur de l'Orchestre de Paris ne parviendront à élever mon intérêt.
La soirée s'inscrivait dans le cadre de la Fondation "Coline Opéra" dont Sophie Koch est la marraine. La mezzo-soprano française a donc défendu, avec panache, cette partition. Le timbre, la ligne, la diction, l'ampleur... rien n'y a manqué.
A ses côtés, Frédéric Goncalves remplaçait Ludovic Tézier dans le rôle de Marc-Antoine. Diction parfaite, engagement, professionnalisme. Le timbre n'est pas d'une grande richesse mais le baryton honore bien la partition.
Cassandre Berthon est une Octavie à la voix douce au timbre velouté.
Le jeune ténor Benjamen Bernheim sert le rôle de Spakos (personnage ajouté, amant jaloux de Cléopâtre) avec aisance. Cependant, le chant manque de nuances, la voix est un peu dure.
Une soirée dont je ne garderai pas le souvenir très longtemps...
Crée en 1914 - quelques mois après la mort du compositeur - l'oeuvre n'a plus été représentée à Paris, ni ailleurs non plus si l'on excepte les quelques représentations américaines (Chicago 1916 et New York 1919).
Ce n'est qu'en 1990 que l'opéra est produit à Saint-Etienne (ville natale du compositeur), puis en 2004 à Barcelone et, récemment à Marseille en 2013 avec Béatrice Uria-Monzon.
Après coup, je ne peux que me poser la question : était-il vraiment utile de ressusciter cet ouvrage ?
Car, enfin, très loin de ses plus belles pages lyriques (Hérodiade, Thaïs, Manon et Werther, pour ne citer que celles-là), le compositeur n'a pas su, à mon sens, négocier le tournant du XXème siècle. L'oeuvre m'est apparue clinquante et tapageuse, dans une orchestration qui manque de consistance et de lien, dénuée de lyrisme sans jamais effleurer la modernité ambiante de l'époque.
Le livret déroule des épisodes historiques plus ou moins fiables sur la relation Marc-Antoine/Cléopâtre et se termine sur la mort de la Reine.
Malgré la direction, certainement précise et passionnée de Michel Plasson, ni l'Orchestre Symphonique de Mulhouse, ni le Chœur de l'Orchestre de Paris ne parviendront à élever mon intérêt.
La soirée s'inscrivait dans le cadre de la Fondation "Coline Opéra" dont Sophie Koch est la marraine. La mezzo-soprano française a donc défendu, avec panache, cette partition. Le timbre, la ligne, la diction, l'ampleur... rien n'y a manqué.
A ses côtés, Frédéric Goncalves remplaçait Ludovic Tézier dans le rôle de Marc-Antoine. Diction parfaite, engagement, professionnalisme. Le timbre n'est pas d'une grande richesse mais le baryton honore bien la partition.
Cassandre Berthon est une Octavie à la voix douce au timbre velouté.
Le jeune ténor Benjamen Bernheim sert le rôle de Spakos (personnage ajouté, amant jaloux de Cléopâtre) avec aisance. Cependant, le chant manque de nuances, la voix est un peu dure.
Une soirée dont je ne garderai pas le souvenir très longtemps...
samedi 1 novembre 2014
Un "Enlèvement" pas très "enlevé" !
L'Enlèvement au Sérail - Garnier 2014 |
En effet, si à Bastille, le "Barbier" souffre d'une trop grande agitation, cet "Enlèvement" est bien trop sage.
Zabou Breitman |
Il est vrai que ce "singspiel", oeuvre d'un jeune Mozart, s'il contient de beaux airs, manque un peu, à mon sens, de corps dans le propos.
Et ce ne sont, malheureusement pas, les chanteurs qui vont relever l'éclat. Une distribution jeune, certes homogène, se partageant le bon et le moins bon, surtout la petitesse des voix.
C'est, globalement, joliment chanté, avec style, mais le niveau sonore se laisse vite dissoudre dans les sonorités orchestrales pourtant parfaitement maîtrisées par Philippe Jordan
Erin Morley |
La jolie Erin Morley possède toute l'agilité requise pour les vocalises des airs de Constance et pourrait
être parfaite avec un peu plus d'ampleur.
Son bel amoureux - Belmonte - possède un timbre sonore et léger. Le ténor Bernard Richter montre ses limites dans son dernier air et a une fâcheuse tendance à "savonner" les vocalises, preuve d'un manque sérieux d'agilité vocale.
Lars Woldt quant à lui, manque par trop de médium et de grave pour impressionner dans son personnage d'Osmin. Dommage car la présence scénique est la mieux maîtrisée.
Quant à Anna Prohaska (Blonde) et Paul Schweinester (Pedrillo), il leur faudra gagner en ampleur et en projection car, hormis les suraigus de la première, on perd vite leur émission dans le médium.
En résumé, une production esthétique, un charmant divertissement, une face facile et de bon ton mais à laquelle il manque du pétillant. Le plaisir des yeux ne suffit pas.
Un court extrait de "Le premier homme" d'Albert Camus
Si je tiens à recopier ici ce passage du livre d'Albert Camus, c'est avant tout parce qu'il m'a émue. Mais, également, parce que j'ai trouvé que ces quelques lignes résumaient terriblement bien la condition humaine dans la guerre, dans n'importe quelle guerre.
Il s'agit, ici, de la guerre de 1914 où le père de l'écrivain est tombé, comme tellement d'autres. Il était venu d'Algérie combattre les allemands sur le sol français dont il ignorait absolument tout.
J'espère que vous serez aussi sensibles que moi à cette belle écriture. Ce livre a été publié post mortem par l'épouse de Camus. Il ne s'agissait que d'un premier jet d'une oeuvre dont on peut facilement imaginer ce qu'elle aurait été au final. On sent que ces lignes sont écrites d'un trait, dans la fièvre qui mène le stylo pendant le l'esprit pousse les mots.
"Tout se passait là-bas en effet où les troupes d'Afrique et parmi elles H. Cormery, transportées aussi vite que l'on pouvait, menées telles quelles dans une région mystérieuse dont on parlait, la Marne, et on n'avait pas eu le temps de leur trouver des casques, le soleil n'était pas assez fort pour tuer les couleur comme en Algérie, si bien que des vagues d'algériens arabes et français, vêtus de tons éclatants et pimpants, coiffés de chapeaux de paille, cibles rouges et bleues qu'on pouvait apercevoir à des centaines de mètres, montaient par paquets au feu, étaient détruits par paquets et commençaient d'engraisser un territoire étroit sur lequel pendant quatre ans des hommes venus du monde entier, tapis dans des tanières de boue, s'accrocheraient mètre par mètre sous un ciel hérissé d'obus éclairants, d'obus miaulant pendant que tonitruaient les grands barrages qui annonçaient les vains assauts. Mais pour le moment, il n'y avait pas de tanière, seulement les troupes d'Afrique qui fondaient sous le feu comme des poupées de cire multicolores, et chaque jour des centaines d'orphelins naissaient dans tous les coins d'Algérie, arabes et français, fils et filles sans père qui devraient ensuite apprendre à vivre sans leçon et sans héritage. Quelques semaines et puis un dimanche matin, sur le petit palier intérieur de l'unique étage, entre l'escalier et les deux cabinets sans lumière, trous noirs ménagés à la turque dans la maçonnerie, sans cesse nettoyés au cre
syl et sans cesse puant, Lucie Cormery et sa mère étaient assises sur deux chaises basses, triant des lentilles sous la lumière de l'imposte au-dessus de l'escalier, et le bébé dans une petite corbeille à linge suçait une carotte pleine de sa bave, quand un monsieur, grave et bien habillé, avait surgi dans l'escalier avec une sorte de pli. Les deux femmes surprises avaient posé les assiettes où elles triaient les lentilles qu'elles prenaient dans une marmite placée entre elles et s'essuyaient les mains quand le monsieur, qui s'était arrêté sur l'avant-dernière marche, les avait priées de ne pas bouger, avait demandé Madame Cormery, "la voilà, avait dit la grand-mère, je suis sa mère", et le monsieur avait dit qu'il était le maire, qu'il apportait une douloureuse nouvelle, que son mari était mort au champ d'honneur et que la France qui le pleurait en même temps qu'elle était fière de lui. Lucie Cormery ne l'avait pas entendu, mais s'était levée et lui tendait la main avec beaucoup de respect, la grand-mère s'était dressée, la main sur la bouche, et répétait "mon dieu" en espagnol. Le monsieur avait gardé la main de Lucie dans sa main, puis l'avait encore serrée dans ses deux mains, avait murmuré des paroles de consolation et puis lui avait donné son pli, s'était retourné et avait descendu les escaliers d'un pas lourd. "Qu'est-ce qu'il a dit ? avait demandé Lucie. -Henri est mort. Il a été tué" Lucie regardait le pli qu'elle n'ouvrait pas, ni elle ni sa mère ne savaient lire, elle le retournait, sans mot dire, sans une larme, incapable d'imaginer cette mort si lointaine, au fond d'une nuit inconnue. Et puis elle avait mis le pli dans la poche de son tablier de cuisine, était passée près de l'enfant sans le regarder et était allée dans la chambre qu'elle partageait avec ses deux enfants, avait fermé la porte et les persiennes de la fenêtre qui donnait sur la cour et s'était étendue sur son lit, où elle était restée muette et sans larmes pendant de longues heures à serrer dans sa poche le pli qu'elle ne pouvait lire et à regarder dans le noir le malheur qu'elle ne comprenait pas."
Il s'agit, ici, de la guerre de 1914 où le père de l'écrivain est tombé, comme tellement d'autres. Il était venu d'Algérie combattre les allemands sur le sol français dont il ignorait absolument tout.
J'espère que vous serez aussi sensibles que moi à cette belle écriture. Ce livre a été publié post mortem par l'épouse de Camus. Il ne s'agissait que d'un premier jet d'une oeuvre dont on peut facilement imaginer ce qu'elle aurait été au final. On sent que ces lignes sont écrites d'un trait, dans la fièvre qui mène le stylo pendant le l'esprit pousse les mots.
"Tout se passait là-bas en effet où les troupes d'Afrique et parmi elles H. Cormery, transportées aussi vite que l'on pouvait, menées telles quelles dans une région mystérieuse dont on parlait, la Marne, et on n'avait pas eu le temps de leur trouver des casques, le soleil n'était pas assez fort pour tuer les couleur comme en Algérie, si bien que des vagues d'algériens arabes et français, vêtus de tons éclatants et pimpants, coiffés de chapeaux de paille, cibles rouges et bleues qu'on pouvait apercevoir à des centaines de mètres, montaient par paquets au feu, étaient détruits par paquets et commençaient d'engraisser un territoire étroit sur lequel pendant quatre ans des hommes venus du monde entier, tapis dans des tanières de boue, s'accrocheraient mètre par mètre sous un ciel hérissé d'obus éclairants, d'obus miaulant pendant que tonitruaient les grands barrages qui annonçaient les vains assauts. Mais pour le moment, il n'y avait pas de tanière, seulement les troupes d'Afrique qui fondaient sous le feu comme des poupées de cire multicolores, et chaque jour des centaines d'orphelins naissaient dans tous les coins d'Algérie, arabes et français, fils et filles sans père qui devraient ensuite apprendre à vivre sans leçon et sans héritage. Quelques semaines et puis un dimanche matin, sur le petit palier intérieur de l'unique étage, entre l'escalier et les deux cabinets sans lumière, trous noirs ménagés à la turque dans la maçonnerie, sans cesse nettoyés au cre
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