jeudi 15 février 2024

Winterreise et Saint-Valentin

 Opéra Comique hier soir 14 février ; était-ce le bon endroit et le bon concert pour ce soir-là ?

Eh bien oui, trois fois oui ! Même si d'aucuns pensent que c'est trop sérieux, voire trop triste... C'est si beau !

Certes ce magnifique voyage romantique nous conduit vers la mort. Certes, la plupart des poèmes expriment une bien lourde mélancolie. Certes... mais que cette douleur est belle !


Salle remplie, bruissante le temps de se placer. Notre regard caresse le très beau piano Pleyel de 1837 trônant sur le praticable recouvrant la fosse d'orchestre, l'atmosphère où se mêlent la fébrilité et le bonheur de cet instant durant lequel on attend les intervenants. "Sauront-ils répondre à notre attente ? Le charme attendu opèrera-t-il ?"




Et puis Alain Planès et Stéphane Degout entrent ; ils saluent. Et c'est parti pour les vingt-quatre lieder, vingt-quatre poèmes écrits par Wilhelm Müller et que Franz Schubert a si magnifiquement mis en musique. 

D'emblée, on est en état de grâce. Stéphane Degout, dont c'est la "première fois"  distille en mode "mezzo voce" , en confidence, le premier lied "Gute Nacht" D'emblée, on sait que nous sommes embarqués pour ce voyage et que l'on va frémir d'émotion tout au long. Et, en effet, tout au long du cheminement, la voix du baryton se déploie, est tour à tour caressante, enveloppante, bienfaisante ou prend toute l'ampleur nécessaire comme pour "Erstarrung". Pour ce qui est du texte, celle qui partageait ce bonheur - maternellement élevée dans la langue de Goethe - a affirmé que notre chanteur français n'a jamais écorché les mots des poésies si bien interprétées. Tout en intériorité, le baryton nous a menés jusqu'au "Der Leiermann" (le joueur de vielle) où tout s'achève, en mode apaisé, dans une infinie tristesse.


Si le son du Pleyel nous a quelque peu surpris lors du premier chant, nos oreilles se sont accoutumées bien vite à sa sonorité charnue, à la fois ronde et un peu âpre. Nous avons, ainsi, bien profité de toute le talent d'Alain Planès qui sut, en dépit de quelques petites erreurs, le faire sonner, vibrer, en cadence ou dans de beaux "legato", soutenant, rythmant ou éclairant le chant du baryton. 

Winterreise est souvent un grand moment. Celui de cette Saint-Valentin fut un réel enchantement !