samedi 26 décembre 2015

Les contes de Noël finissent toujours bien...

Un peu bousculée en cet avant Noël, je regroupe ici mes impressions sur trois soirées d'opéra bien différentes :

  • Le château de Barbe-Bleue/La voix humaine
  • La Damnation de Faust
  • Récital Elina Garanca

Garnier le 8 décembre 2015

Représentation en deux temps mais sans rupture, où l'on passe de Bartok à Poulenc avec une facilité insoupçonnée et déconcertante.

Dans un décor de métal et de vitres, Krzysztof Warlikowski nous plonge dans le monde mystérieux d'un prestidigitateur, longue silhouette élégante sur fond de soie blanche de la cape, un univers d'illusion. 

Ce Barbe-Bleue inquiétant est superbement interprété par le timbre sombre et fascinant de John Relyea.

Judith, sa jeune épouse trop curieuse, est moulée dans une robe vert émeraude, la chevelure rousse déployée sur les épaules, se déplace avec une démarche provocante. Ekaterina Gubanova utilise tous ses moyens vocaux immenses pour charmer, presque jusqu'à l'ensorcellement, son époux afin de satisfaire à sa curiosité. Tourmenté jusqu'au plus profond de lui-même, le mari cède jusqu'à la dernière porte vers laquelle il enfermera Judith avec les trois précédentes femmes, rendant Barbe-Bleue à sa noire solitude.




La musique de Béla Bartok est dramatique et sombre, éclairée de couleurs multiples et fugitives. La direction de Esa-Pekka Salonen est précise, claire et lyrique.






Sans transition, donc, le rêve fait place à la réalité, Poulenc/Cocteau succèdent à Bartok/Balâzs, la solitude elle, reste en scène dans La Voix Humaine.

Mais malgré la formidable interprétation de Barbara Hannigan, remarquable comédienne et incomparable chanteuse, les déboires amoureux de "Elle" ne m'ont pas émue et son suicide de femme délaissée m'a laissée de marbre. Captivée lors de ma découverte de l'oeuvre, il y a fort longtemps à l'Opéra Comique, je l'ai trouvée de soir là surannée, presque agaçante. Je n'étais peut-être pas la seule d'ailleurs, plusieurs spectateurs ayant subrepticement quitté la salle...

Bastille le 15 décembre 2015

Si l'on retrouve ici les cages de verre, on perd tout rêve et toute compréhension de l'oeuvre. La colère ne m'a pas quittée tout au long de cette représentation, face à ce fatras de mauvaises intentions à courte vue.

Alvis Hermanis a surchargé sa mise en scène d'images, autant de mouvements qui s'imposent au détriment de la musique et du chant : vidéos de la planète Mars (celles de la Nasa qui ont du coûter fort cher...), abeilles et fourmis, spermatozoïdes fécondant un ovule, ballet de méduses... et certaines venant en superposition sur le texte : montagnes et volcans sur "Nature immense, impénétrable et fière", ou champ de coquelicots façon Kenzo (on a échappé à la copulation des escargots de la Générale et de la Première !) pour l'air de Marguerite, après les baleines à bosse de la ballade... Et puis, des chorégraphies niaises et sans consistance, d'incessantes manipulations du décor, l'enfilage des combinaisons bleues de l'Enfer des Schtroumpfs en final, des éclairages violents permanents, une impression désagréable et très dérangeante de grouillement incessant, une activité scénique stérile. Enfin, Faust ne se déplace presque jamais sans son double, (le scientifique Stephen Hawking en fauteuil roulant), je ne vous explique pas pourquoi, c'est trop compliqué ! Bref ! la litanie serait trop longue de ces incohérences prétentieuses.

Quel gâchis que tout cela lorsqu'on se trouve en présence d'une telle talentueuse équipe musicale !


Une très belle voix du ciel par Sophie Claisse, un très bon Brander par Edwyn Crossley-Mercer pour les seconds rôles, un choeur toujours impressionnant de puissance, face à un orchestre d'une extrême clarté sous la direction de Philippe Jordan qui rend cette partition légère et presque limpide.



Et surtout, le trio principal se suffit à lui-même et rend à la musique l'hommage que d'aucuns sabotent. Avec mesure et nuance, une bonne prononciation, Sophie Koch, Bryn Terfel et Jonas Kaufmann nous donnent à entendre un Berlioz comme rarement. Tous trois, également, incarnent des personnages auxquels on croit.




La mezzo française, tout en conservant la rondeur de son timbre, en éclaircit de plus en plus la couleur. Elle s'appuie sur sa superbe technique et nous offre un "D'amour, d'ardente flamme" d'une grande maîtrise, pimentée de magnifiques aigus.




Méphisto imposant et "classieux", tant scéniquement que vocalement, Bryn Terfel se joue des difficultés du rôle.








Quant à notre beau ténor bavarois, il nous enchante littéralement dans un rôle qu'une fois de plus on croirait
écrit pour lui. Le style est délicat, les pianis semblent irréels, les aigus rayonnants et la profondeur de son chant n'en finit pas de nous éblouir. Quel raffinement et quel talent artistique Jonas Kaufmann met-il dans chacune de ses interprétations ! C'est, une fois encore, époustouflant !





Garnier le 20 décembre 2015

Dans un très bon choix de lieder de Brahms, Elina Garanca a déployé son merveilleux timbre de mezzo, soyeux et corsé, tout au long de la première partie de son récital.

En seconde partie, on a pu apprécier son style dans trois mélodies de Duparc dans les moins connues. Son chant s'y déploie du grave à l'aigu, sans effort apparent.

Plus proches de sa culture initiale, quelques très belles mélodies de Rachmaninov ont fini de charmer le public qui fit une ovation à cette très belle chanteuse.

A noter que, contrairement à sa prestation dans le Requiem de Verdi récemment diffusé sur Arte et où n'avait percé aucune émotion, c'est avec beaucoup d'expression et de sentiment que la mezzo lettone a interprété ces différents cycles de mélodies.

Trois généreux bis après ces deux heures de chant, dont une mélodie traditionnelle lettone et Morgen de Strauss ont clos ce très beau récital.

Au piano, l'excellent pianiste écossais Malcolm Martineau, accompagne avec talent et une grande sensibilité toutes ces mélodies, complément dont la qualité est indispensable à la réussite complète de l'interprétation.

Ces trois spectacles de mon abonnement 2015/2016 terminent mon année lyrique.

Je vous donne rendez-vous l'année prochaine pour de nouvelles humeurs... !


dimanche 20 décembre 2015

lundi 7 décembre 2015

4 XII 2015 - Concert à Radio France

Première visite à l'auditorium de Radio France. Sans conteste, LA salle de concert parisienne actuellement ! Si vous vous souvenez, j'ai fait mes premiers pas à la Philharmonie de Paris le 28 mai dernier. Le souvenir qui m'en reste est une grande salle claire, très éclairée et assez froide.

Dans la Maison Ronde, la salle est un peu moins grande mais quelle chaleur s'en dégage dès qu'on y pénètre. Les essences de bois bruns sont baignées dans un éclairage qui ne les écrase pas. Il se dégage une belle élégance de l'ensemble.

Pour ce qui est de l'acoustique, bien que placée trop près à mon goût encore une fois mais pas au premier rang, les sonorités entendues étaient bien distinctes. J'ai cependant supposé que depuis les balcons supérieurs, on devait percevoir une homogénéité de l'orchestre qui n'enlevait rien aux spécificités de chaque instrument. Je testerai, c'est promis car les fauteuils de cette salle m'accueilleront souvent je pense !

Quant au programme de ce 4 décembre, il était le suivant :

  • Orchestre Philharmonique de Radio France
  • Lise de la Salle, piano
  • Karl-Heinz Steffens, direction.
et pour les oeuvres :
  • Arnold Schönberg - Symphonie de chambre n° 2
  • Johannes Brahms - Concerto pour piano et orchestre n° 1
  • Johannes Brahms/Arnold Schönberg, Quatuor n° 1 en sol mineur - orchestration de A. Schönberg
La petite symphonie de chambre n° 2 est écrite en 1939 et le compositeur revient, pour cette oeuvre, à une écriture tonale. Comme pour Moses et Aron, Schönberg peine à achever son oeuvre. Ses précédentes découvertes (dodécaphonisme et musique sérielle) perturbent la composition de cette pièce. "Mon style s'est beaucoup approfondi depuis lors et j'ai du mal à concilier ce que, à juste titre, j'écrivis autrefois en faisant confiance à mon sens de la forme, et sans trop y penser, avec mes vastes exigences présentes" écrit-il dans une lettre à Fritz Stiedry (chef d'orchestre). Il en restera, finalement, aux deux mouvements terminés : Adagio poco et Con fuoco, molto adagio.

J'ai pris plaisir à l'entendre. Elle m'a semblée bien exécutée par le Philhar et bien dirigée par K.H. Steffens.

L'orchestration par le même Arnold Schönberg du quatuor n° 1 de Brahms s'imposait-elle ? Sans doute pas. Mais Brahms fut l'un des grands modèles de Schönberg qui lui reconnaissait sa modernité. Emigré aux USA, il décide en 1937 d'orchestrer ce quatuor parce qu'il aime cette oeuvre qu'il a jadis jouée à l'alto ou au violoncelle. 
Karl-Heinz Steffens
On passe donc de quatre musiciens à une grande formation orchestrale et le dernier mouvement est un superbe exercice de musique par son héroïsme et son folklore qui nous rapproche des célèbres danses hongroises. Excellente prestation de l'orchestre dans son ensemble et direction énergique du chef allemand.

J'ai gardé pour la fin mon sentiment un peu frustré de l'interprétation du premier concerto de Brahms par Lise de la Salle. A l'issue des quatre mouvements joués fougueusement par la jeune pianiste, je restai sur ma faim sans vraiment savoir pourquoi. Mais je n'avais pas de point de comparaison et n'osai pas trop "la ramener".
Lise de la Salle

J'ai donc écouté une autre version pour "voir". J'ai choisi une pianiste pour comparer le comparable, un solide orchestre dirigé par un chef allemand lui aussi. Et là, j'ai compris ce qui avait manqué à l'interprétation de la jeune normande : un projet, une profondeur, un ressenti, un exposé plus expressif... Elle a la fougue et le tempérament pour une telle oeuvre. Les passages rythmiquement forts sont brillants. Mais les piani manquent de corps et se perdent sous ses doigts comme une soprano qui déplacerait sa voix pour chanter une phrase pianissimo et en perdrait la couleur. Ici, on perd la couleur de l'oeuvre souvent.



Et je crois que la direction de Karl-Heinz Steffens n'a pas insufflé non plus de liant à l'orchestre. Les différents pupitres - les cors et les bois en particuliers - ne ressortaient pas assez derrière les coups d'archets des cordes.




Je conserve tout de même de cette soirée la satisfaction d'avoir entendu de la musique vivante et d'avoir vibré - quels qu'aient été mes ressentis - à l'exécution d'oeuvres du répertoire. Rien, pour moi, n'a plus de valeur qu'une soirée de concert ou d'opéra dans une salle !