lundi 11 novembre 2013

La Tosca au MET


Le MET retransmettai samedi soir la reprise de La Tosca, production de Luc Bondy de 2009.

Disons-le tout net, Bondy n'a pas réussi là une mise en scène bien intéressante. Dans les décors impersonnels et tristounets de Richard Peduzzi, Bondy ne parvient ni à innover, ni à "coller" au livret. Voulant à tout prix se démarquer de la tradition qui terminait le II de façon pompeuse et démonstrative en laissant Scarpia, mort, un crucifix sur le ventre et entouré de candélabres après la sortie théâtrale de Tosca, il met fin à la scène en abandonnant Tosca allongée sur un canapé, s'aérant avec l'éventail de l'Attaventi dont s'est servi son tortionnaire pour confondre Mario. Fausse bonne idée également, le geste qui conduit Tosca sur le rebord de la fenêtre, prête à se suicider... déjà ! Elle vient de tuer Scarpia, il y a un sauf-conduit écrit et signé, pour Mario et elle ; quelle envie la pousserait à sauter par la fenêtre du Palais Farnèse ?...

Aucune trouvaille ne parvient à pénétrer les deux autres actes non plus. Et, plus grave, on sent que les chanteurs sont livrés à eux-mêmes scéniquement. Roberto Alagna cabotine au I, Scarpia au II. Patricia Racette s'en sort le mieux mais, avec des gestes à contresens, ne parvient à émouvoir qu'au III.

Sous la direction de Riccardo Frizza, l'orchestre du MET respecte la partition sans la sublimer.



George Gagnidze est un Scarpia à la voix très ample semble-t-il, qui possède la tessiture du rôle. Le timbre est très sombre et l'émission inconfortable. Le style n'est, par contre, pas du tout italien.



Roberto Alagna, très crispé au premier acte, parvient cependant à chanter "Recondita armonia" avec les qualités qu'on lui connaît. Au II, il est un Cavaradossi tout en vaillance et en assurance et les "Vittoria ! Vittoria !" sont sonores, parfaitement placés et font mouche. Au III, c'est avec une belle aisance et un grand sens du phrasé et du legato, qu'il entraînera l'ovation du public NewYorkais après l'air "E lucevan le stelle".


Pour ce qui concerne le rôle titre, Patricia Racette est une soprano dont les moyens sont conséquents. Si, personnellement, je pense que son chant manque un peu de nuances, il faut lui reconnaître une belle maîtrise de l'aigu (surtout au III), une présence scénique - mal employée certes - mais bien réelle. Ce n'est pas dans le "Vissi d'arte" qu'elle se distingue : souvent placées trop bas, certaines notes sont presque fausses. Mais le contre Ut et les si du III sont parfaits et son chant retrouve, à cet acte, toute sa musicalité.

Une bonne soirée en compagnie de cinq membres du "Coeur des voix" et de la musique de Puccini, compositeur quelque peu délaissé dans nos salles européennes.

dimanche 10 novembre 2013

Sur les traces de Michèle Herbé


Sans l'extraordinaire impression que me fit la voix de Michèle Herbé lors de ma première soirée à l'Opéra Comique, dans le rôle de Mlle Lange (La fille de Madame Angot de Ch. Lecoq), aurais-je développé cette passion pour l'art lyrique qui guide toujours ma vie ? Cette première fois fut, quoi qu'il en soit, déterminante.

La chanteuse était passionnée, pleine d'un talent plus que prometteur, superbe femme brune au regard de braise et devenait, avec ce rôle, la plus jeune Mlle Lange de l'histoire de l'Opéra de Paris. Rien à voir avec l'image caricaturale, fort désobligeante pour la profession, que véhiculaient encore, à l'époque, certaines idées préconçues.

J'entrais comme figurante, peu après, Salle Favart et j'y découvris le répertoire au fil des représentations.

Devenue une amie de la soprano, je vis évoluer sa carrière au fur et à mesure des prises de rôle, tant à Garnier qu'à Favart et dans les salles régionales.

M.H. Butterfly à l'Opéra Comique

Très vite, elle y interprète ses premiers grands rôles, ceux qui feront de la très belle soprano au timbre rond, à la voix ample et puissante, au contre ut si sûr : La Tosca, Butterfly, Musette dans La Bohème, Concepcion dans L'heure espagnole, Giulietta dans les Contes d'Hoffmann, Giorgetta dans Il Tabarro, la Comtesse von Geschwitz dans Lulu de Berg, Minnie dans la Fanciulla del West...






M.H. Le Chevalier à la rose - Nancy
De Lille à Marseille, de Bordeaux à Lyon, de Toulouse à Strasbourg ou Nancy, à Rouen et à Tours mais aussi de Bruxelles ou Liège à Barcelone et de Genève à Montréal, Michèle Herbé ensoleillera les scènes lyriques et saura promouvoir le chant français ou en français dans des rôles aussi glorieux que  l'Aiglon de Honegger et Ibert qu'elle fut la seule de sa génération à chanter en restituant au personnage toute sa beauté et sa fragilité, Magda du Consul de Menotti, Fidelio, Octavian du Chevalier à la rose, Salomé dans Hérodiade, autant de rôles auxquels elle prêtera tout son talent, sa plastique, sa présence scénique.

Extrait de Paganini de Lehar pour vous faire une idée de sa voix.

Les méandres de la vie nous firent prendre ensuite des canaux différents. Nous nous perdîmes de vue. Lorsque nos chemins se recroisèrent, il y a plusieurs années, je retrouvai Michèle Herbé metteur en scène et Directrice Artistique du Festival lyrique en Marmandais. Elle en avait pris les commande, en étroite collaboration avec Philippe Mestre qui en assure la Direction Musicale, en 1995 après la disparition de Jean Giraudeau qui en était le fondateur.

Ensemble, ils ont développé le festival qui s'enorgueillit à présent de deux à trois productions annuelles à Marmande et d'un concours international de chant auquel participent des chanteurs de vingt nationalités et où des Directeurs d'opéras viennent y dénicher les talents lyriques de demain. La promesse faite aux lauréats, d'un premier rôle dans les productions futures du festival, concourt grandement à l'insertion professionnelle des talents, jeunes certes, mais aptes à affronter les grands rôles.

Avant sa prise de responsabilité à Marmande, Michèle Herbé assurait déjà les mises en scène dans beaucoup de productions. Toutes celles du Festival lui seront confiées. Elle y apportera toute sa créativité et saura allier modernité et tradition, sans jamais nuire à l'esprit du livret ni à la partition.

Parallèlement, Jean-Paul Burle, le directeur du Pin Galant à Mérignac, lui confiera les mises en scène des productions de son théâtre.

Dans le cadre du Festival de Carcassonne, elle mit en scène "Le Pays du Sourire" en 2002 et "La Tosca" en 2003.
Michèle Herbé dans l'Aiglon

Chevalier des Arts et Lettres, Michèle Herbé a rejoint d'autres grandes voix avec qui elle se produit dans d'autres galaxies.

Un pan entier - le plus important - de ma jeunesse est entamé par ce départ. Mais, au-delà de ma peine, je ne me souviendrai plus, avec une heureuse émotion, que du moelleux de son timbre, de la justesse de ses incarnations et de la sûreté de ses aigus. Je reverrai la fougue de l'Aiglon, la vaillance de Tosca, la fêlure de Butterfly... de même que "Lange" qui m'apparut un soir et me la fit connaître.

Liens vers les articles de presse qui lui rendent hommage :
Le Républicain  -  Sud Ouest - ANAO (journal de l'opérette)
et vers le communiqué du Député du Lot et Garonne, Matthias Fekl