jeudi 15 novembre 2018

CARAVAGE à ROME

Pas question de laisser passer  l'exposition du Musée Jacquemart-André CARAVAGE à ROME - Amis et Ennemis, sans aller voir - ou revoir - les tableaux du Maître du clair-obscur. Qu'importe le thème, qu'importe la foule, que l'automne soit ou non radieux, l'obligation de m'y rendre s'est imposée comme une évidence dès son ouverture.

Je connais suffisamment l'Hôtel particulier du Boulevard Haussmann pour ne pas m'attendre - comme à Londres en 2005 - à voir les grands tableaux christiques, je n'ai donc pas été déçue par le nombre restreint (10) d’œuvres exposées ici. Et du coup, j'ai pu comparer les peintures des copistes, ces "caravagistes" qui ont bien senti que Caravage explorait un art nouveau, un style particulier "d'après nature" auquel ils vont s'essayer, de même qu'ils imiteront les effets de lumière et d'ombre si fascinants des tableaux du Maître. Mais je n'ai, personnellement, retrouvé dans aucun d'entre eux la puissance, la force percussive des tableaux de Caravage.

Et quand bien même n'y aurait-il que la dizaine de tableaux du peintre, dont la production n'est d'ailleurs pas énorme (une soixantaine d’œuvres), c'est une raison tout à fait suffisante pour s'y rendre. Car
  • voir - ou revoir - Judith décapitant Holopherne dans toute sa violence ensanglantée, le terrible
regard de la victime horrifiée, la beauté juvénile de Judith, si déterminée dans son action, et le visage raviné à l’œil haineux de la servante... La justesse du cadrage et des plans successifs... L'éclairage enfin, qui nous oblige, après l'agression que provoque sur le spectateur la pleine lumière de l'acte sanglant, à poser le regard plus loin...




  • voir - ou revoir - Le joueur de luth joufflu et attendrissant dans sa douceur enfantine, qu'on a envie d'embrasser, la beauté des instruments de musique et la partition au premier
    plan. Et puis, les fruits sur la table et le vase de fleurs si délicat...




  • voir - ou revoir - Saint-Jean-Baptiste au bélier, cet enfant rieur et bouclé dont le corps nu
    s'expose dans la grâce et l'entrain de sa jeunesse ingénue et sur lequel jouent la lumière et l'ombre










  • voir - ou revoir - Saint-Jérôme écrivant, ce magnifique vieillard à la calvitie luisante, le visage penché au-dessus du livre, le regard baissé, le bras droit tendu montrant les restes d'une
    musculature robuste. Au bout du bras, le crâne des vanités fait miroir à celui du Saint.






  • voir - ou revoir - La Madeleine en extase, la tête renversée, les yeux mi-clos, la bouche
    entrouverte, le cou et l'épaule dénudés, lumineusement portés au regard et les doigts croisés serrés en une supplique fervente

  • voir - ou revoir - Ecce Homo ou Le Christ devant Pilate, serein, calme, concentré après les
sévices, la délicate attention, attendrie, du personnage en arrière plan qui dépose avec douceur une couverture sur le dos supplicié. La jeunesse du Christ surprend ici quand on a en mémoire les corps robustes des futures représentations des tableaux à venir. Et que dire encore du terrible regard que nous jette le dignitaire, au premier plan, qui semble nous montrer qu'à l'évidence : Il n'est pas Dieu !






  • voir - ou revoir - La Cène à Emmaüs, où les mains et les visages parlent. A remarquer, pas les
  • yeux - on n'en voit aucun - mais l'interrogation, le scepticisme, le quant-à-soi, des hôtes et de la servante face à la sérénité de Celui qui bénit le pain et théâtralise ici la première Eucharistie de l'après Résurrection. Le tout dans un sublime éclairage !



Ce bonheur est immense ! Il est, pour moi, d'une grande importance de ne pas avoir raté cette occasion qui ne me sera, certainement, plus donnée de voir certains de ces tableaux, peut-être aucun d'entre eux...