samedi 9 décembre 2017

Au plaisir Jean d'O !

Par cette familière interpellation, je tente de vous saluer légèrement. Au vrai, ce n'est pas très réussi... Pardon ! Beaucoup moins en tout cas que le bel hommage que vous a rendu, hier matin, Emmanuel Macron.




Un hommage qui, quoique très littéraire, n'a cité aucun de vos livres. Un hommage qui s'est voulu subtilement empli de cette grâce qui vous caractérisait et se termina sur une note en apparence futile mais qui, en réalité, était empreinte d'une profonde émotion.





Car, que ce crayon de papier déposé sur vos pieds explosait d'incongruité devant ce parterre de personnalités et de militaires statufiés dans le vent froid de la cour des Invalides ! Comme il ramenait, ce crayon, votre personne à cette simple réalité de ce que vous fûtes avant tout : un merveilleux écrivain facétieux !

Que ce que le Président osa, là, a dû vous réjouir ! Vous souriiez, j'en suis sûre, sous ce drapeau tricolore. "Épatant !" vous êtes-vous probablement exclamé, ce que le son des tambours résonnant dans cet enclos a certainement couvert...

Jusqu'au ciel qui vous a rendu hommage en laissant le soleil conférer à cette cérémonie un éclat léger, galant et tendre, écartant le voile de tristesse qui s'apprêtait à l'envelopper.

Cher Jean d'Ormesson, votre regard myosotis ne pétillera plus sur nos écrans de télé. Vos livres, dont j'ai lu une appréciable partie, continueront quant à eux, de réjouir les amateurs d'une certaine idée de la profondeur inscrite dans une écriture à la fluidité, à la limpidité des meilleurs textes de la langue française. Merci Monsieur l'Académicien pour les belles heures passées en votre délicieuse compagnie, que ce soit au travers de vos livres ou en réécoutant les meilleurs passages de vos interventions télévisées.

dimanche 2 juillet 2017

Dernières émotions

Une fois n'est pas coutume, avant de vous entretenir de musique, je vais rendre ici mon hommage à une immense Dame qui n'est ni une chanteuse, ni une musicienne, mais qui fut une grande figure de la vie publique et qui vient de quitter ce monde : Madame Simone Veil.

Survivante de l'enfer des camps, elle a œuvré, bataillé, résisté et soutenu tous les combats des femmes, de la loi sur l'avortement qui porte son nom jusqu'à la défense de tous les droits des femmes dans les instances qui soutiennent leurs luttes pour une égalité de traitement dans tous les actes de la vie.

Je m'incline aussi devant l'académicienne qui s'illustra par son intelligence et ses travaux.

Je salue, enfin, la droiture et la probité de cette femme politique que tous les nouveaux élus prendront et garderont, je l'espère, comme exemple tout au long de leur mandat.


Je reviens à présent sur ce mois de juin riche en émotions musicales, mais pas seulement.

Le premier du mois, je prenais place dans la salle de l'Odéon pour une représentation hors les murs de la Comédie Française. Le théâtre, avant l'art lyrique, fut ma passion. Il le reste mais il faut bien faire des choix. Deux raisons à cette soirée :
- la pièce "Le Testament de Marie" de l'irlandais Colm Toibin qui a attisé ma curiosité
- son interprète : Dominique Blanc.

Et je n'ai pas été déçue. Le Testament de Marie place Marie dans sa condition de femme et, surtout, de mère. Jamais avant Toibin personne n'avait imaginé faire parler Marie, en faire autre chose que la vierge des Écritures et des tableaux, autre chose que celle qui voua sa vie à son fils mais qui n'a rien à dire.
Là, sur cette scène au décor très pauvre mais riche de symboles, Dominique Blanc nous raconte la vie et, surtout, la mort de Jésus mais avec ses mots, ses émotions, son ressenti et ses propres réflexions.

Ce qu'on lui rapporte après son départ du foyer, ce qu'elle a vu et vécu avant le départ du fils et lors de sa Passion. Ses mots sont simples, ses réflexions souvent drôles, mais ses jugements sans appel : "Ils nous amenait des désaxés" dit-elle par exemple au début en parlant des disciples. Son étonnement sur ce qu'on lui narre qui ne correspond pas au souvenir qu'elle en garde : "On l'a vu parler devant des foules" "Il aurait accompli des miracles"...
La douleur ensuite à la vue des tortures de la crucifixion, la honte de sa peur, de sa fuite avant sa mort.
Et cette fin : "Ils ont dit : Il est mort pour sauver le monde. Cela n'en valait pas la peine conclut-elle, cela n'en valait pas la peine".

Le ton de Dominique Blanc est parfait, clair et prenant, les intonations extrêmement justes, les changements de rythmes nous embarquent, les silences permettent d'assimiler le texte. Chaque mot est pesé, pensé, mesuré, incarné mais tout coule et nous inonde, nous touche et nous convainc.


La Maison de la Radio proposait en début de mois un concert de lieder par le ténor allemand Werner Güra, spécialiste du genre, accompagné au piano par Christoph Berner. J'ai regretté que le "104" n'ait été qu'à moitié occupée ce soir-là malgré un tarif de 15 € très abordable.
Werner Güra



Nous y étions, nous et avons partagé ce moment avec Natalie Dessay notre voisine d'un soir.
Stéphane Goldet a avantageusement présenté ce concert apportant les précisions sur le programme, nous éclairant de quelques traductions que ne comportait pas les feuillets qui nous avaient été remis... Les lieder étaient inscrits en allemand, sans traduction, sans que les poèmes eux-mêmes ne soient imprimés. Il est important que le public francophone puisse comprendre ce qui se chante.

Un programme très bien construit alternant des séries de lieder de Robert Schumann, de Clara Schumann et de Johanes Brahms, entrecoupés de quelques "Nachtstücke" de Schumann au piano seul.
Christoph Berner
Le timbre aérien mais cependant dense de Werner Güra, sa ligne stable et sa belle expressivité furent un ravissement tout au long de son interprétation de ces lieder, soutenu en complicité par la belle musicalité de Christoph Berner.

Pour en apprendre davantage, je vous engage à suivre les deux liens suivants :
- la page que Forum Opéra consacrait à ce récital
- le site de France Musique pour écouter et/ou réécouter ce récital


Quatre jours plus tard, j'assistais à l'enregistrement de l'avant-dernier "Portraits de famille" de la saison où Philippe Cassard nous proposait le Quintet de César Franck qu'il interpréta brillamment avec le Quatuor Hermès.
Une oeuvre intéressante et peu programmée dans les concerts.
A écouter ou réécouter sur France Musique-Portraits de famille




Et puis, c'est avec des sentiments mélangés et contradictoires que nous avons assisté à l'enregistrement de la dernière émission des "Plaisirs du Quatuor", sa productrice Stéphane Goldet étant "remerciée" par le Directeur...

Contradictoires parce que le concert auquel nous avons eu le bonheur d'assister fut, dans ses deux parties, un fabuleux moment d'intensité musicale ! Le bonheur donc mais, aussi bien sûr, la tristesse de penser que nous assistions pour la dernière fois ce soir-là à un enregistrement des "Plaisirs du Quatuor".



Raphaël Sévère est à la clarinette ce que Renée Fleming est à la voix : tout en moelleux, tout en rondeur, tout en légèreté. Si la soprano restera Mme Double-Crème, le clarinettiste peut devenir M. Double-Velouté ! Il tire de son instrument des sons incroyablement piano, les attaques sont d'une douceur infinie, l'ensemble nous fait frissonner de plaisir et d'émotion.




Bravo au Quatuor Van Kuijk qui a interprété avec Raphaël Sévère le quintet de Brahms avec beaucoup de brio.





Le "Quatuor pour la fin du temps" d'Olivier Messiaen  pour piano, violon, violoncelle et clarinette plongea ensuite tout le monde dans un tout autre état, une sorte d'apesanteur qui suspend notre esprit et l'entraîne vers des hauteurs insoupçonnées au plus fort des strophes.


Cela, c'était pour la partie "Plaisirs". Ensuite, Stéphane Goldet nous a dit au-revoir et a refermé, avec une émotion partagée, le livre des trente années où elle nous a ravis par ses émissions toujours captivantes, ses explications claires diffusées de sa jolie voix aux sonorités fraîches et musicales.




Nous sommes tristes, bien sûr, à l'idée de ne plus vous entendre nous vanter les qualités des quatuors de votre cher Haydn mais nous sommes certains que votre passion pour la musique ainsi que toutes vos autres passions vous porteront vers des horizons variés et riches, tout aussi chargés de talent et d'intensité.





Nous vous remercions pour toutes ces heures radiophoniques qui nous ont nourris de votre savoir et vous souhaitons tout le meilleur dans vos projets et vos prochaines vies.

Ne manquez pas d'écouter la dernière des Plaisirs du Quatuor sur France Musique !


Il me reste à vous parler de mon déplacement à Sens (!) - enfin, seulement depuis le sud de la Seine et Marne... - pour assister à la retransmission, depuis Covent Garden, de l'Otello de Verdi avec notre Jonas Kaufmann qui vient de se frotter à ce rôle.

Aucun regret, ça vaut le voyage comme on dit dans certains bons guides touristiques...

Dans une mise en scène de Keith Warner qui place l'action dans un décor épurée, les costumes Renaissance revisitée sont élégants et les éclairages bien distribués. J'ai regretté l’emphase torturée qui fait trop souvent se rouler au sol le ténor et, aussi, le trop plein d’hémoglobine final qui amène des ricanements à un moment musical intense.





Les Chœurs et l'Orchestre du ROH sont emmenés par la baguette de Antonio Pappano, de manière
enlevée, dans un tempo plutôt rapide.




Nous avons eu le plaisir de reconnaître Thomas Atkins dans le rôle de Rodrigo, jeune ténor que nous avions découvert en 2015 à Fontainebleau lors des exhibitions de la Guildhall School of Music (voir mon article sur ce spectacle où je lui prédisais un bel avenir).





Marco Vratogna campe un Iago sans finesse mais vocalement bien en place. Manipulateur et sans scrupules, la voix ample et longue du baryton passe bien et sait, quand il le faut, trouver des nuances.





Maria Agresta est une bonne Desdemona. On ne peut rien trouver à lui reprocher, tout au moins au cinéma où l'on ne peut juger de la puissance. Mais le chant est nuancé, les aigus bien maîtrisés. Il lui manque, à mon sens, une chaleur et un timbre plus coloré.



Quant à Jonas Kaufmann, il entre dans la légende des grands Otello. Le ténor va au bout de ce rôle écrasant sans fatigue apparente. Je ne dis rien de la puissance, là encore, puisqu'elle est tributaire de la prise de son. Mais l'engagement est certain, les nuances magnifiques, l'intelligence de l'interprétation, la couleur de la voix exactement ce qui convient à ce sombre personnage qui se perd dans sa jalousie.

🙋


jeudi 25 mai 2017

Un Quatuor et une Diva

Stéphane Goldet



Peut-être l'avez-vous écoutée en direct samedi dernier entre 16 et 18 heures... J'étais au studio 106 de la Maison de la Radio, en compagnie du public privilégié venu assister à l'émission de Stéphane Goldet "Plaisirs du Quatuor" à réécouter à l'envie.





Ce qui est certain, c'est que nous avons eu, tous, beaucoup de bonheur à entendre les trois œuvres proposées par le Quatuor Hanson pour leur troisième participation à l'émission cette saison.
Quatuor Hanson
Rien moins que :
- Quatuor à cordes en sol majeur op. 33 n° 5 de Joseph Haydn
- Quatuor à cordes en sol mineur de Claude Debussy
- Quatuor à cordes n° 14 en ré mineur "La Jeune Fille et la Mort" de Franz Schubert
pour le programme de ces deux heures de pleine musique.
Et l'exercice est périlleux, même pour ces quatre talentueux musiciens qui, nous l'espérons tous, remporteront le Premier Prix du prochain concours qu'ils tenteront très bientôt. Ils nous ont offert une interprétation relevée et vivifiante "du Haydn", virtuose, décoiffante et brillante "du Debussy" et particulièrement éloquente et bouleversante "du Schubert". On leur dit Toï Toï



La Diva, c'est la magnifique et quasi indétrônable de son podium actuel, j'ai nommé Anna Netrebko !

Pour cette soirée de mon abonnement ONP, j'ai revu avec plaisir la production de Willy Decker, très épurée et d'une très grande simplicité.
A.N. et A. Tsymbalyuk

On sait qu'à Bastille, chanter au-delà des cinq mètres du bord de scène noie le son dans l'espace. La soprano russe entame sa partition en fond de plateau sans que nous ne perdions une seule note. Un régal que le velouté de ce timbre chatoyant que la chanteuse module à souhaits. Son interprétation de La Lettre est incomparable. Sa voix garde son moelleux jusque dans les somptueux aigus et tout au long de l'oeuvre avec de nombreuses nuances qui viennent l'enrichir.

Anna Netrebko est une immense chanteuse, incontestablement !











Dans son ombre, le très élégant et ténébreux Onéguine de Peter Mattei ne parvient pas, malgré toutes ses qualités vocales, à se hisser à son niveau.

Son timbre bien coloré, son chant aisé et précis, son interprétation soignée et bien incarnée ne comblent pas une certaine platitude, une forme par trop linéaire du phrasé qui laissent un peu le spectateur sur sa faim. Le baryton suédois est peut-être un peu fatigué.


Pour modérer mon propos, j'ajoute que, cependant, je veux bien entendre Peter Mattei encore et encore dans Onéguine !
A. Netrebko et H. Schwarz
Hanna Schwarz nous propose une nourrice Filipievna de luxe : timbre et interprétation parfaits !




J'ai trouvé, pour ma part, le timbre très sombre et la belle ampleur de la mezzo Varduhi Abrahamyan presque trop fastueux pour le rôle de cette jeune fille légère et enjouée. J'imagine ce que ses belles qualités vocales produisent dans un rôle comme Azucena du Trouvère de Verdi...










La basse Alexander Tsymbalyuk s'appuie sur l'effet émotionnel que projette l'air du Prince Grémine sans rien y apporter de lui-même. La voix est généreuse et le style impeccable mais l'ensemble reste un peu froid.







Chœurs et Orchestre à la fête pour notre plus grand plaisir, sous la direction du chef britannique Edward Gardner.




Clôture de ma saison lyrique avec cette belle représentation. Mai de beaux moments musicaux sont encore programmés jusqu'à l'été. A très bientôt donc !

mardi 16 mai 2017

Divers et très variés

A Blandy-les-Tours, les Concerts de Poche proposaient, dans une salle du Château, un concert chant/piano au cours duquel Michel Dalberto (piano) et Hélène Hébrard (mezzo-soprano) nous ont régalés.

Je rappelle que l'Association Les Concerts de Poche apporte, à un public de villages et de quartiers, le plaisir d'entendre les artistes les plus renommés, dans des lieux de proximité, le tout dans une ambiance dépouillée de tout cérémonial.


Les deux artistes de cet après-midi-là nous ont offert un très beau concert. Michel Dalberto a très brillamment interprété la Sonate dite "Clair de Lune" de Beethoven et fantastiquement, après la pause, le "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel.







Il a également harmonieusement accompagné, avec élégance, le beau timbre de la Mezzo Hélène Hébrard. La chanteuse a interprété avec une belle maîtrise, les mélodies aux styles bien différents de Franz Schubert, Maurice Ravel, Gabriel Fauré et Francis Poulenc. Avec une parfaite prononciation de l'allemand et du français, c'est avec une belle émotion que sa voix veloutée au timbre plein de chaleur nous a enchantés.




En avril, sans se découvrir d'un fil, nos oreilles se sont laissé accrocher par les frottements, bruissements, crissements, frôlements, grésillements, murmures et ronronnements libérés par les cordes du Quatuor Tana dans des œuvres de Gervanosi, Bedrossian  et le quatuor à cordes n° 4 en ut majeur de Bartok, ainsi que des extraits de S'abandonner de Benjamin Dupé, extraits du spectacle "Il se trouve que les oreilles n'ont pas de paupières" avec Pierre Baux en diseur.

Tout cela nous a joliment étonnés, merci Stéphane Goldet ! Retrouvez nos sensations en réécoutant l'émission sur France Musique

Toujours emmitouflés, c'est dans la chapelle du Lycée Henri IV qu'un Moment Musical nous était offert par le Chœur formé  par les professeurs et les parents d'élèves, augmenté du Groupe Vocal ProHomine.

Après une première partie d'échauffement par de courtes pièces de Fauré, Saint-Saëns, Duruflé et Séverac, le chœur a donné une très limpide et radieuse interprétation du Requiem de Fauré.
Félicitations à cette formation qui n'existe que depuis peu, à sa cheffe Marie-Christine Pannetier et à l'accompagnement piano et orgue de Jorris Sauquet.

A l'auditorium, pour clore le week-end où la Maison de la Radio lui laissait Carte Blanche, Jean-Yves Thibaudet, entouré de ses amis musiciens de l'Orchestre National de France, jouait Debussy, Fauré et Poulenc. Un mois d'avril où la musique française a rayonné pour notre plus grand plaisir.
Après la présentation par Stéphane Goldet, nous avons eu le privilège d'entendre trois excellentes interprétations :

  • une magnifique interprétation de la Sonate n° 1 pour violoncelle et piano de Claude Debussy, par Raphaël Perraud et J.Y. Thibaudet
  • un superbe quatuor n° 1 en ut mineur pour piano et cordes de G. Fauré, avec Lyodoh Kaneko violon, Nicolas Bône alto, Raphaël Perraud violoncelle qui entouraient J.Y. Thibaudet
  • un beau sextuor de Francis Poulenc avec J.Y. Thibaudet piano, Philippe Pierlot flûte, Mathilde Lebert hautbois, Patrick Messina clarinette, Vincent Léonard cor et Philippe Hanon basson.

Pour entamer ce frileux mois de mai, toujours emmitouflée dans ma doudoune, j'ai pris le chemin de l'Opéra Bastille pour une rafraîchissante représentation de La Fille de Neige de N. Rimski-Korsakov.
Première audition pour ma part de cette oeuvre, opéra fantastique sur une pièce de N. Ostrovski, qui nous conte les aventures de la fille née des amours de Dame Printemps et du Père Hiver, que ses parents confient à l'Esprit des bois qui doit la protéger des ardeurs du soleil. Je vous invite à en savoir un peu plus sur cette oeuvre si cela vous intéresse.

La mise en scène de Dmitri Tcherniakov est ce qui convient à un conte : lumineuse et verdoyante, transposée avec poésie dans une communauté genre baba-cool qui a planté ses cabanes et roulottes dans une clairière.

A l'acte IV, les arbres de la forêt, sous les volontés conjuguées de l'Esprit qui l'habite et de Dame Printemps, se déplacent en tournoyant pour protéger Fleur de Neige. Un bel effet scénique empli de magie.

Musicalement, j'ai trouvé quelques longueurs et un manque d'unité dans cet opéra un peu décousu. En revanche, quelques airs - ceux de Fleur de Neige dans le prologue et au III, ceux du Berger Lel aux I et au III, ceux de Koupava, du Tzar, de Dame Printemps au prologue et un beau duo Mizguir/Fleur de Neige au IV.





L'orchestre et le chœur de l'ONP font honneur à leur réputation sous la baguette de M. Tatamikov, familier de ce répertoire.






La distribution russe est bonne, avec un accessit aux chanteuses et au contre-ténor Yuriy Mynenko.




Aida Garifullina projette son joli timbre de soprano et se joue des difficultés. Sa silhouette juvénile convient parfaitement au personnage évanescent en mal d'amour de Snegourotchka.










Martina Serafin assure dans le rôle de Koupava. Le volume et l'ampleur compensent des aigus un
peu percutants.








La mezzo Elena Manistina chante avec de belles couleurs et un style parfait son air d'entrée assez long et singulier.



Généralement distribués dans l'opéra baroque, je n'ai pas souvent l'occasion d'entendre de contre-ténors. Yuriy Mynenko m'a complètement charmée dans les trois airs qu'il  a chantés dans le rôle duBerger Lel. Toutes les qualités sont réunies dans sa voix : le volume, la couleur, l'ampleur et la virtuosité, alliés à une parfaite ligne de chant et un style irréprochable. Sans conteste le meilleur élément de cette distribution.

J'ai toujours eu peu d'attirance pour la couleur de voix, particulière, des ténors d'Europe de l'est. Je trouve leur timbre terne et leur vocalité très plate. La voix de Maxim Pater, dans le rôle du Tsar, n'échappe pas à ces particularités. Le style est, cependant, excellent.

Le timbre un peu engorgé du baryton Thomas Johannes Mayer en Mizguir n'a que modestement servi le rôle.

En résumé, une bonne soirée découverte pour la vieille routière du lyrique que je suis et à qui ça n'arrive plus si souvent...

Pour consoler les abonnés de la défection de Jonas Kaufmann dans Les Contes d'Hoffmann en début de saison, Stéphane Lissner leur a offert une place pour un spectacle au choix dans la même catégorie de places que leur abonnement. J'ai donc choisi de voir Wozzeck d'Alban Berg.

Opéra difficile et sombre repris dans la mise en scène de Christoph Marthaler sous l'ère Mortier. Les trois actes, découpés en cinq scènes par le compositeur, vont se succéder dans un décor unique de tente-buvette d'une fête qui occupe pratiquement tout le plateau avec, en arrière plan, derrière des parois en plastique transparent, des enfants qui jouent sur les différentes aires de jeux de la kermesse.
Une large palette d'éclairages divers délimitera les nombreux cadres et ambiances où se déroulent les quinze scènes de l'oeuvre. Si l'ensemble n'est pas, à proprement parler inesthétique, il faut convenir que ça n'aide pas à la compréhension du livret ni à l'entendement de la musique de Berg. Si, en plus comme moi on ne comprend pas l'allemand, on perd, au fil du déroulement
  • soit le texte, très important, qu'il faut lire au détriment de l'écoute d'une musique, je l'ai dit, d'un accès difficile
  • soit le contexte de l'action plutôt énigmatique au profit de l'imprégnation d'un genre musical un peu déconcertant.
C'était ma seconde représentation de l'opéra de Berg. Je ne désespère pas, au bout de la dixième de parvenir à me concentrer pour suivre l'ensemble...
Wozzeck - Marie - Herr Doktor



Rompu maintenant, grâce au travail de son chef permanent Philippe Jordan, à ces exercices périlleux, l'orchestre de l'ONP a brillamment défendu la musique d'Alban Berg sous la direction de Michael Schonwandt.



Quant à la distribution, ce serait chipoter que d'énoncer les quelques imperfections vocales ou stylistiques. Aux côtés du Wozzeck éblouissant et particulièrement émouvant de Johannes Martin Kränzle et de la vaillante Marie si présente dans sa perdition, le Doktor de Kurt Rydl, le Tambourmajor de Stefan Margita, l'Hauptmann de Stephan Rügamer et l'Andrès de Nicky Spence et jusqu'à la Margret de Eve-Maud Hubeaux, tous ont participé à la superbe réussite de cette représentation. Bravo !

Samedi soir dernier, le MET retransmettait en direct l'opéra Der Rosenkavalier de Richard Strauss. Nous avons donc pu voir et entendre l'interprétation particulièrement émouvante de Renée Fleming dont c'était la dernière dans ce rôle et, je crois, la dernière tout court au MET.

Avec une somptueuse distribution - Elina Garança en Octavian, Erin Morley en Sophie, Günther Groissböck en Baron Ochs, Marcus Brück en Faninal et Matthew Polenzani en Chanteur italien - cette représentation dirigée par Sebastian Weigle, fera date dans l'histoire du théâtre New Yorkais. Dans la très belle mise en scène de Robert Carsen, chacun a livré une interprétation magistrale dont les témoins en salle se souviendront longtemps.
Günther Groissböck


Erin Morley
Vous pouvez réécouter sur France Musique cette soirée mémorable qui fut diffusée en direct.