jeudi 8 juillet 2021

Merci Maître Philippe Jordan !


 J'attendais un moment fabuleux. J'ai assisté à un fabuleux moment ! 

Cette soirée voyait à la fois mon retour dans une salle lyrique et le dernier "lever de baguette" de Philippe Jordan à l'Opéra de Paris. Le bien-aimé directeur musical de la "Grande Maison". Je me doutais que mon cœur vibrerait d'émotions multiples et contradictoires. Il fut secoué d'abord par l'immense joie de m'assoir dans cette salle - bien qu'elle ne soit pas, et de loin, mon temple lyrique préféré - de la voir se remplir peu à peu, d'en saisir l'effervescence un peu électrique d'avant-spectacle, d'entendre la harpe s'accorder sous les doigts du harpiste solo et de percevoir les sons diffus venus de la coulisse où d'autres accords s'harmonisaient. Je savourais cet instant dont "Gilets Jaunes", grèves et, finalement, pandémie m'avaient privée durant deux ans ! 

Puis les musiciens prirent place sous les applaudissements d'un public impatient. Enfin, le Maître entra, salué par une ovation nourrie. Pour cette première partie du concert, Philippe Jordan avait choisi la "Faust-Symphonie" de Franz Liszt, rarement jouée et, probablement, mal connue des français. Très mal connue de moi dans tous les cas. Et j'ai pris un plaisir énorme à découvrir les trois mouvements de cette œuvre.


L'orchestre y déploie une grande variété de couleurs et de sonorités puissantes que le Chef laisse se développer largement et qu'il maîtrise d'un geste pour que, l'instant d'après, le murmure léger des premiers violons nous apaise délicieusement. Dans le second mouvement, le hautbois est la vedette. Ses sonorités suaves sont tour à tour accompagnées par l'alto puis par le violoncelle... Presque une page de musique de chambre par moment avant une reprise du "tutti" 

Le troisième mouvement remet de la puissance, de la force, de grands élans flamboyants mêlent le chœur d'hommes, le ténor et les rythmes soutenus de tout l'orchestre. Cette œuvre met en valeur les couleurs, la maîtrise de l'ensemble, le soyeux des cordes et la belle sonorité des vents. De cette réunion de talents multiples, Jordan a fait une formation d'une grande qualité qui n'a pas grand chose à envier aux meilleurs orchestres dans le monde. C'est son plus grand mérite avec la clarté et la précision qui font de lui le grand chef qu'il est.

Je tiens ici à souligner la qualité d'écoute du public présent ce soir-là. Pas de gesticulation, pas d'ouverture de sac ni de soif à étancher inopinément pendant un pianissimo, pas de toux intempestive, même entre les mouvements. La tension et l'émotion étaient palpables.


Un magistral troisième acte de Parsifal nous a été offert ensuite. Le discours wagnérien s'est déployé dans toute sa grandeur dans la nef de Bastille. Les sonorités puissantes et profondes des cordes, le retour d'une saison fleurie aux sons d'une douceur infinie du hautbois et de la clarinette, un "Enchantement du Vendredi-Saint" plein d'une sérénité fascinante et magique. Le trio de chanteurs (Peter Mattei, René Pape et Andreas Schager) s'est magnifiquement coulé dans cette atmosphère paisible et rassurante. 



Plusieurs secondes d'un silence total ont prolongé l'extase avant que les premiers applaudissements hésitants ne résonnent. Ensuite, ce public a rendu un juste et chaleureux hommage à ce chef merveilleux qui a su bonifier à ce point les qualités de cet orchestre pendant les douze années de son mandat parisien. Il va retrouver l'excellence à Vienne où je lui souhaite une belle et bonne continuation de sa encore jeune carrière.

J'espère que la fougue et l'exubérance de son célèbre successeur - Gustavo Dudamel - n'altèreront pas la valeur de cette phalange de prestige. Mon opinion sur cette nomination oscille entre plaisir et crainte. La prochaine saison - je croise les doigts pour qu'elle se déroule normalement - verra dans quel sens penchera le plateau...

En attendant, MERCI MAITRE JORDAN et à très bientôt, nous l'espérons tous !