mardi 16 juin 2015

Caroline Casadesus : Une Femme Debout !

Musée des "26 Couleurs"
C'est dans un lieu de mémoire du monde industriel des XIXème et XXème siècles que Caroline Casadesus nous conviait pour la création du nouveau spectacle musical qu'elle a conçu et écrit : "Une Femme Debout".


A Saint-Fargeau-Ponthierry, la fabrique de papiers peints Leroy a été reconvertie en espace culturel en 2011. La machine "26 couleurs" qui lui donne son nom, trône au sein d'un parcours muséographique où l'on peut voir les machines électriques de la centrale, astiquées et rutilantes de leur fonte et tous leurs cuivres.


Mais se niche, également dans cet espace, une salle où nous avons pris place.

Juliette Mailhé



Une estrade, un piano, un tabouret de bar, un guéridon et un porte-manteau. Les accessoires sortiront du piano... Ils sont importants et Juliette Mailhé, qui a signé la mise en scène, les utilise habilement pour souligner un trait, un développement ou une action.





Dans "Une Femme Debout", Caroline Casadesus nous conte en musique les fortunes et (surtout) les infortunes d'une jeune femme, au travers de ses rencontres (bonnes et mauvaises), de ses amours (heureuses et malheureuses), qui l'entraîneront au fond du fond mais dont la volonté lui permettra de se remettre debout.

Jean-Claude Casadesus

Giselle Casadesus
Dans la famille Casadesus, demandez les petites-filles - de Giselle - ou la fille - de
Jean-Claude ou de Béatrice - et vous obtiendrez Caroline et Juliette.
Soprano à l'ample chevelure rousse et au corps de liane, Caroline Casadesus nous emporte au long de ce récit que la voix off de Pierre François Pistorio nous situe ponctuellement.
Juliette Mailhé a mis tout ça en espace.




Caroline Casadesus
La voix veloutée de la soprano, tour à tour sensuelle, douce ou vaillante, nous la joue "bastringue cabaret" avec Vian, nous berce sur les arpèges de Fauré, nous porte en valse lente avec Satie, nous embarque de Seguedille en Habanera via une pause sur un trio de cartes... Elle nous promène de Weill à Koëchlin en passant par Lehar, Offenbach, Poulenc ou Fréhel... tout au long de cette vie dramatique d'une femme amoureuse.

Jean-Christophe Rigaud


A noter que Jean-Christophe Rigaud au piano, s'il accompagne avec beaucoup de brio tous ces styles de musique, sait aussi donner la réplique et interpréter joliment des intermèdes appropriés à l'ambiance du récit.




Des drames courants dont Caroline Casadesus nous rappellera la survivance et l'ampleur dans notre XXIème siècle. Savez-vous par exemple, qu'en France une femme tombe sous les coups de son conjoint, quel que soit son milieu social, tous les deux jours et demi et qu'une femme est violée - toujours en France - toutes les  sept minutes... !  Merci à Caroline Casadesus de nous sensibiliser à ce sujet grave des violences faites aux femmes, en s'appuyant avec talent sur un fil conducteur qui se veut léger mais n'en touche pas moins vivement les esprits et les coeurs.

Le spectacle "Une Femme Debout" sera rejoué dans le cadre des "Concerts de Poche",
le 2 octobre 2015. Suivez le lien du site pour connaître le lieu du concert.

mardi 9 juin 2015

Orchestre de Paris - Philharmonie de Paris - 28 mai 2015

Philharmonie de Paris
Se retrouver, ce soir-là, pour la première fois dans la salle de la Philharmonie de Paris alors qu'on ne savait pas, le matin même, que cela serait, fait partie des heureux évènements d'une journée.

Je ne peux pas dire que l'arrivée devant le bâtiment de Jean Nouvel fut un émerveillement... De loin, cette structure grisâtre de prismes irréguliers imbriqués les uns aux autres, genre légo mal assemblé, parait sale et triste. De près, l'ensemble n'apparaît pas plus heureux malgré les vols d'oiseaux figurés sur les parois.
Philharmonie de Paris
Une série d'escalators débouche sur une terrasse, en plein vent ce soir-là, nous livrant une vue tristounette sur le périf et permettant l'accès aux portes du hall.





Un grand hall très impersonnel, sans décoration, où siègent de part et d'autre guichets et billetterie. Les accès à la salle sont de la même eau, en moins clair.








Et passé le seuil d'entrée de la salle, on se trouve, comme par prodige, dans un grand espace bien éclairé au centre duquel l'orchestre doit se placer. Tout autour et jusqu'en haut, des volutes s'étirent en vagues qui se superposent, balcons au coeur desquels le public s'installe.



Ce n'est pas révolutionnaire mais les lignes arrondies apportent de l'élégance à l'ensemble.

Très bien, me direz-vous. Et la musique alors ?... M'y voici :


Au programme, l'Orchestre de Paris, son chef Paavo Järvi, le concerto n° 1 pour violon de Max Bruch avec Renaud Capuçon et la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler (vous savez, celle de "Mort à Venise").

Grâce au son du Guarnerius de Renaud Capuçon et sous l'archet du grand violoniste, j'ai pris plaisir à découvrir les trois mouvements de ce concerto. Un premier en forme de prélude (Vorspiel) sur un Allegro moderato vigoureux nous porte jusqu'à un Adagio séduisant et romantique. Le final Allegro energico nous embarque sur des tonalités dansantes à la hongroise. Une oeuvre intéressante mais qui ne m'a pas émue comme le font les concertos de Mendelssohn, Brahms ou Beethoven. En l'absence de point de comparaison et n'étant pas spécialiste de l'art du violon, je suppose néanmoins que l'interprétation de Renaud Capuçon, très virtuose, a été magnifique.

Paavo Järvi

En seconde partie, Paavo Järvi dirigeait son Orchestre de Paris au grand complet, dans la foisonnante 5ème de Mahler. Dans l'orchestration très dense du compositeur viennois, les deux premiers mouvements égrènent des sonorités sombres, envoûtantes. L'Adagietto qui suit apporte une bouffée de fraîcheur. Les sons sont suspendus et transportent l'esprit vers des sommets plus enchantés. Le 4ème mouvement, s'il ne retombe pas complètement dans la pesanteur des deux premiers, n'apporte pas vraiment d'éclaircie dans l'esprit mahlérien.


J'ai trouvé l'interprétation de l'orchestre très appliquée. Les sonorités sont belles et tout est bien en ordre. J'aurais, personnellement, aimé un peu plus de profondeur, un souffle un peu plus échevelé, l'exposition d'un réel projet de la part de Paavo Järvi.

En résumé, une première soirée dans cette salle de concert dans laquelle je ne reviendrai qu'épisodiquement, à la faveur de certaines grandes affiches.

jeudi 4 juin 2015

25 mai 2015 - Le Roi Arthus de Ernest Chausson - Opéra Bastille

Si je n'avais qu'un seul souhait musical à formuler cette année, il ne pourrait être, après cette résurrection de l'oeuvre et son entrée au répertoire de l'Opéra de Paris 115 ans après sa création en France, que Le Roi Arthus de Ernest Chausson demeure (enfin !) et soit représenté de manière permanente au même titre que Faust, Carmen ou Manon...

Il est en effet fort regrettable que cette magnifique musique ait échappé à la culture de plusieurs générations de mélomanes qui n'auront pas connu le bonheur ni l'émotion qu'elle dispense du premier au dernier acte.

L'orchestration foisonnante transporte d'emblée notre conscience musicale vers les accents wagnériens car il faut, inévitablement, la rapprocher d'un monde connu. Et, oui, la filiation directe s'impose, surtout lorsqu'on a la connaissance de la fascination que les opéras de Wagner ont exercée sur le compositeur français. Egalement librettiste (tout comme son modèle allemand), Chausson, féru de littérature celtique et de légendes médiévales, s'attelle à la composition de son unique opéra, ce qui l'occupera jusqu'à la fin de sa courte vie (il meurt des suites d'un accident de bicyclette à 44 ans) sans qu'il ait eu le plaisir de le voir créer (Bruxelles en 1903).
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Mais, au-delà du lyrisme germain, c'est bien une musique française dont nous découvrons les accents. Que ce soit par le choeur, presque berliozien parfois, par les accords enflammés des cuivres et les envolées des cordes debussystes aussi ou ces couleurs sonores fauréennes souvent.

L'ensemble est mené de main de Maître par Philippe Jordan, toujours soucieux d'ampleur et de légèreté et qui sait ménager, autant que faire se peut, son plateau de chanteurs.
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Passons sur le ratage de la mise en scène de Graham Vick qui plonge l'admirable légende des Chevaliers de la Table Ronde au coeur d'un paysage champêtre où s'assemble "La petite maison dans la prairie" façon "Lapeyre" (Y'en n'a pas 2 !) livrée en kit avec, en prime, un canapé en skaï rouge, garni d'une Genièvre en petite robe de dentelle blanche à bretelles.
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Au fil des actes, les fleurs fanent, la toile de fond se déchire, la maisonnette se lézarde et le canapé prend feu... laissant au final un espace désolé et calciné. Si l'on ajoute à cela la laideur et la tristesse des costumes tout droit sortis des surplus des "3 Suisses", on comprend que le ratage est complet !
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Et c'est à l'aune de ce ratage que je mesure la force et la qualité de la musique de E. Chausson, car passés les agacements du premier tableau, j'ai oublié tout ça pour ne plus m'intéresser qu'à ce que j'entendais et à l'émotion que cette oeuvre m'a procurée.

Le plaisir de cette belle découverte lyrique est dû, aussi, à l'admirable talent de la distribution qui a rendu hommage à cette tardive entrée au répertoire.

Les seconds rôles d'abord dont chaque courte intervention est un beau moment :
- Alexandre Duhamel, baryton, belliqueux Mordred
- François Lis, basse, qui prête son beau timbre chaud à Allan
- Cyrille Dubois, ténor, dont la voix illumine la complainte du Laboureur par son style impeccable
- Stanislas de Barbeyrac, ténor, qui campe un lumineux Lyonnel, si ému - et donc émouvant - de la perte de son Chevalier tant admiré.




Peter Sidhom nous propose un Merlin dont la fatigue vocale rend les accents encore plus désenchantés. La scène de la fin du second acte, entre Arthus et Merlin, est d'une grande intensité émotionnelle.



Sophie Koch, toujours très belle, incarne une Genièvre passionnée dont l'amour éperdu pour Lancelot provoquera le chaos. La mezzo défend ce rôle vocalement ingrat avec intelligence et des moyens à la hauteur des difficultés.






Roberto Alagna est un magnifique Lancelot tout en vaillance physique et vocale. Plus en forme encore que dans Le Cid, il se joue des interminables phrases dont il distille chaque mot avec la parfaite diction qu'on lui connaît.






Thomas Hampson, après un début un peu fébrile, chante un Roi Arthus très nuancé, souverain, aux accents déchirants et à l'extraordinaire présence scénique.

Une formidable soirée lyrique avec une très heureuse découverte. A noter que cette programmation est à mettre au crédit du compte de l'ancien directeur de l'Opéra, Nicolas Joël.
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
France Musique diffusera, samedi 6 juin prochain dans l'émission "Un soir à l'Opéra" de Judith Chaine à 19 hl'enregistrement de l'oeuvre, pris à l'Opéra Bastille le 28 mai
Attention ! : NON DISPONIBLE à la réécoute.