samedi 22 février 2014

Une fille sans Far West

J'ai toujours aimé le western, ce cinéma où les scénarios d'une grande simplicité - des bons, des méchants, des indiens, des bandits...  le tout dans de grands espaces poussiéreux que je suis d'ailleurs allée voir sur place ! Ces récits ne sont, tout comme la plupart des livrets d'opéra, qu'un prétexte à mettre devant la caméra de belles images, des chevauchées éperdues, de l'héroïsme, des caractères bien trempés... l'ensemble nappé dans une mélodie forte et mélancolique.

Puccini avait dû avoir la prescience de ce que le cinéma américain produirait dans le futur, lorsqu'il composa en 1910 son opéra La Fanciulla del West. Il jeta les ingrédients dans son piano et, avec un savant dosage de créativité, il en ressortit la partition d'une oeuvre qui s'ancre magistralement dans ce début de XXème siècle. Son goût des sonorités exotiques l'entraîne à utiliser les ressorts rythmiques du cru en y superposant une magistrale orchestration chatoyante, énergique et lumineuse. S'y ajoutent les belles pages de choeurs mélodiques rappelant les grands espaces et les interventions sporadiques comme Puccini seul sut les composer.


Nikolaus Lehnhoff a effacé l'imagerie des grandes plaines balayées par le vent - vent pourtant bien présent dans la partition au second acte - et installe l'action dans un bar louche new-yorkais en lieu et place du saloon au I, dans un mobil-home au décor fuchsia-groseille très Walt Disney qui remplace la cabane de Minnie au II et dans une casse automobile où l'amoncellement grandeur nature des Chevrolets détrône la forêt californienne et se transformera magistralement en décor rutilant et scintillant de superproduction hollywoodienne au final.

Ce parti-pris moqueur, parfois kitschissime, a le mérite d'être esthétiquement inattaquable et de permettre le déroulement de l'action sans indécence vis-à-vis de l'oeuvre. La ficelle est parfois un peu grosse et les clichés frisent le mauvais goût. Une chose est sûre, que l'on adhère ou non au concept, on ne s'ennuie pas !


La direction de Carlo Rizzi est efficace et rayonnante de tous les timbres que nécessite l'oeuvre. Il évite le clinquant et parvient, autant que faire se peut, à ne pas couvrir les voix. L'admirable orchestre de l'ONP nous enchante une fois encore.

Les nombreux rôles secondaires sont tous très convaincants. Une mention particulière à Alexandre Duhamel dans la balade de Jake Wallace - seule note blanche dans tout ce noir, rappelant un peu Joe Dassin. Egalement à Roman Sadnik pour sa prestation dans Nick le barman.

Claudio Sgura



Le shérif Jack Rance est incarné, avec une belle noirceur, par le baryton Claudio Sgura. Son chant est élégant et fluide, peut-être un peu trop, et son émission vocale ne parvient pas toujours à emplir le vaisseau Bastille.





Marco Berti



Dans le rôle du bandit au grand coeur, Marco Berti est un Dick Johnson à l'ampleur fracassante qui ne s'embarrasse pas trop de style. Mais c'est efficace, il ne manque pas une note, et s'il reste un peu figé en chantant, son air
"ch'ella mi creda libero et lontano" ("qu'elle me croit libre et loin") au troisième acte ne manque pas de panache.




Nina Stemme
Reste le rôle titre. La soprano suédoise Nina Stemme ne déçoit pas ceux qui, comme moi, sont venus pour l'entendre. A l'exception du contre-ut au premier acte, elle se joue des écueils nombreux de cette partition. Son timbre garde sa rondeur et son velouté même en passant le son volumineux de l'orchestre. Sa Minnie sait être vaillante, courageuse et déterminée tout en conservant charme et tendresse.


En résumé, une oeuvre trop méconnue à découvrir ou à redécouvrir, une production kitsch non dépourvue de créativité ni d'intérêt même si tout n'est pas réussi et une distribution d'un excellent niveau.




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