jeudi 7 mars 2013

La Walkyrie - Bastille hier soir

Une grande déception !
La Walkyrie - Bastille 2013 - Final - A. Mellor,  E. Silins

Autant le Parsifal du MET est encore très présent à mon esprit, autant cette Walkyrie de Bastille s'en évaporera rapidement. Ce ne sont pas les modifications des costumes, pas plus que les mauvais aménagements scéniques revus par Günter Krämer, ni l'inexistence de direction d'acteurs, pas plus que la performance des chanteurs, à quelques exceptions près, qui graveront dans ma mémoire les images et les sons de cette soirée.

Car ce n'est pas en délimitant, au premier plan, un espace d'environ 10 m², sur un plateau qui en offre 750, et sur lequel se meuvent nos deux tourtereaux (Siegmund et Sieglinde) sur fond de rien-du-tout, que je risque de m'enflammer. Et ce n'est pas le foisonnement de pommiers en fleurs sous clair de lune (évoquant quoi ? devinez ! Oui ! le Printemps !) qui changent quoi que ce soit. S'il est vrai que l'acte I de Walkyrie est un acte d'amour (dans tous les sens), impossible de se convaincre de la force de cet amour devant cette femme plutôt belle et ce "pataud" looké loubard-de-banlieue, aux gestes étriqués, dans l'incapacité d'enlacer sa partenaire de ses deux bras...
La Walkyrie - Bastille 2013 - M. Serafin
Mais l'opéra, ce n'est pas seulement visuel ! me direz-vous ? C'est vrai et même, je suis la première à dire que c'est, avant tout, de la musique ! Encore faut-il, pour passer sur cette insuffisance (je modère mon vocabulaire...) que les chanteurs soient d'un très grand niveau. Ce n'est, malheureusement pas le cas du ténor Stuart Skelton dont le timbre est plutôt agréable et le chant stylé, mais qui manque singulièrement d'ampleur et de force de persuasion.
A ses côtés, Martina Serafin possède un chant léger (trop), une ligne sûre et de beaux aigus. Mais, là encore, on aimerait une plus grande vaillance et davantage de conviction. Il me semble que sa voix collerait mieux à "Elsa" (Lohengrin) qu'à "Sieglinde". 

Belle prestation, en revanche, du baryton Günther Groissböck dans Hunding. Puissance, belle étendue et timbre noir intéressant.

Le meilleur moment de la soirée nous viendra de la première partie du second acte, grâce à la mezzo Sophie Koch qui chante et interprète Fricka, face au Wotan élégant de Egils Silins. Un beau phrasé de la chanteuse, une technique aboutie, un timbre lumineux, beaucoup de conviction et, ce qui ne gâche rien dans ce rôle ingrat, une allure folle.
La Walkyrie - Bastille 2013 - S. Koch, E. Silins

La soprano Alwyn Mellor est une bonne Brünnhilde, voix puissante, qui déploie un chant stylé sur une très belle ligne. Quelques aigus un peu criés, malheureusement.

La scène de la mort de Siegmund sera manquée du fait de l'irruption de la "bande-à-Hunding" enfermant ,  une fois encore l'action (le duel), dans un cercle riquiqui de cinq mètres de diamètre.

Mais le pompon est atteint avec la chevauchée des Walkyries, toujours à l'avant scène (on sais bien qu'à Bastille les voix ne passent plus au-delà de cinq mètres du bord, mais tout de même !) lorsque nos Walkyries lavent des hommes blessés nus, ensanglantés, qui repartent soudainement, en pleine forme, en quelques pas scandés, cependant qu'immédiatement derrière cette scène, un bataillon de danseurs portant combinaison blanche et masque à gaz, bien éclairés, se livrent à une chorégraphie décalée du contexte et plutôt absurde. En 2010, j'avais trouvé cette rythmique amusante et pas dérangeante. Mais elle était exécutée bien en arrière plan. Sa mise en avant embrouille encore un peu plus le propos déjà confus... De plus, il m'a été donné d'entendre de meilleurs chanteuses, les voix n'étant pas formidables et une soprano détonnant. 

Le final, grâce à la musique de Wagner et au talent de Philippe Jordan et de l'orchestre de l'ONP, parviendra à se hisser à un niveau de qualité supérieur. Avant ça, on aura eu droit à l'interprétation, certes élégante et stylée de Egils Silins, mais à qui il a manqué l'engagement nécessaire pour nous convaincre de sa colère envers Brünnhilde, chantée avec le même calme que les adieux et les mains dans les poches !

On l'aura compris, si je salue toujours et ici également, la performance de bons chanteurs dans une oeuvre telle que celle-ci, j'aurais aimé le quelque-chose-en-++ qui permet de se transporter dans l'ailleurs wagnérien, ne serait-ce qu'en fermant les yeux. Je l'ai fait à Bayreuth face à des mises en scènes ineptes, à Bastille devant la vidéo aberrante de Tristan, et ça marchait.


Hier, malgré un orchestre somptueux, d'une clarté, d'une justesse, d'une puissance de conviction inouïes, incomparablement emmené par Jordan, je n'ai jamais pu décoller.



Il est vrai également que pour me convaincre, les interprètes ont dû surmonter les retardataires qu'on avait laissé entrer en cours de prélude, le téléphone mobile de ma voisine qui terminait sa journée professionnelle en répondant à ses textos et autres courriels et, de surcroît, tenter de dépasser en volume une avalanche de toux de catarrheux venus, ce soir-là, en grand nombre !

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