jeudi 26 avril 2012

La Walkyrie, version concert

Audacieuse, de la part du Théâtre des Champs Elysées, cette programmation un mardi en plein milieu des vacances de Pâques, de cette Walkyrie en version concert. Audacieuse mais réussie et fort heureuse car, à part quelques rares fauteuils vacants, la salle était pleine et le public, débarrassé des touristes, tout à fait concerné et concentré.


Côté scène, c'est la distribution (à peu de chose près) de la production de l'Opéra de Munich et son orchestre emmené par son chef Kent Nagano, qui nous transporta sur les cimes du Walhalla.

Curieusement, cet orchestre bavarois n'est pas excempt de critiques. Si l'on savoure la couleur de ses cordes (surtout les violoncelles et les contrebasses) et les belles sonorités de ses bois (cor anglais, hautbois et clarinette), les cuivres ne sonnent pas toujours très juste et manquent singulièrement de modulation. Ken Nagano a su insuffler une belle énergie au premier acte mais quelques décalages furent perceptibles au II et le tempo très lent du finale a ajouté à la rigidité des "adieux de Wotan". Cependant, sur l'ensemble de la partition, cette direction nerveuse et sèche, sans avoir la limpidité et la légèreté de celle de Jordan à l'ONP, nous emporte souvent dans ses volutes sonores dynamiques et colorées.

Débarrassée des contingences scéniques plus ou moins biscornues, fruit de l'intellect tortueux de quelques metteurs en scène, cette version concert nous ramène à l'essentiel : la musique et l'action. Et les chanteurs sauront, pour la plupart, restituer toute l'émotion que leur rôle requiert. Et vocalement, si la sensibilité de chacun des spectateurs n'a pas été touchée avec la même radiation, l'impression générale sera illustrée par les ovations enthousiastes qui saluèrent ce concert.

Pour ma part, voici crescendo, ce qui résulte de cette audition passionnée :

La chevauchée des huit soeurs de Brunnhilde - les Walkyries - ne restera pas dans les annales par cette interprétation sans nuance.

Lance Ryan n'est pas avare de décibels. Son Siegmund est "vert" et s'il ne manque certes pas de vaillance, son timbre acide et nasal ne convainc pas dans le "Chant du printemps", pas plus que dans le duo d'amour.

Duo d'amour où Anja Kampe - Sieglinde - ne fait qu'une bouchée du ténor. Sa voix est ample et la soprano séduit par la juste émotion qu'elle imprime à son personnage.

Davantage en adéquation, le Hunding terrifiant de Ain Anger qui projette glorieusement son timbre sombre et ample.

La rayonnante mezzo Michaela Schuster dose avec justesse les effets, tous les tourments de Fricka, tour à tour séductrice, jalouse, dépitée, colérique et malveillante, persuasive en tout cas. La voix est lyrique et dense, le chant très stylé.

Elle écrase de sa stature le Wotan de Thomas J. Mayer dont la voix n'est pas très percutante et manque de volume. Le timbre, un peu clair, est dénué de la profondeur nécessaire au personnage pour l'expression de sa puissance et de ses affects. Ses "Adieux" glissent sur nous sans nous attendrir, doublés par un orchestre trop lent et trop sonore à ce moment-là.


Reste celle que l'on attendait et qui n'a pas déçu. Nina Stemme est, actuellement, une des meilleures Brunnhilde. Les "appels d'entrée" sur lesquels trébuchent nombre de sopranos, parfaitement exécutés jusqu'à l'ut très sûr, le luxe du trille et le dernier ho relevé... c'est parfait !
Tout le chant est empreint d'un grand lyrisme, les phrases longuement portées dans l'ampleur du souffle, la limpidité des mots sans que les écarts de tessiture de la partition n'affectent le son toujours très coloré et souple. Son interprétation parait à certains comme rigide. J'y trouve, moi, la majesté et la vaillance de la guerrière avant qu'elle ne devienne l'amoureuse du Crépuscule. Elle sera celle-là en juillet prochain à Munich. Y déploiera-t-elle la tendre sensualité nécessaire ? A suivre...

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