vendredi 7 août 2015

Le Trouvère à Orange le 4 août 2015 - Retransmission télévisée

Chrorégies d'Orange 2015 - Le Trouvère
Inspiré d'un drame espagnol de A.G. Gutiérrez, le livret touffu du Touvère n'a, en réalité, que peu d'importance. Comme tout bon opéra bel-cantiste, le récit ne s'éclaire qu'à la lumière des airs, duos, trios et autres choeurs qui se succèdent jusqu'au bout du drame.

Tout, ou presque, est dit dans le préambule chanté au le début de l'oeuvre par Ferrando. Il n'y a plus qu'à suivre les évènements qui se succèdent au fur et à mesure que le drame se déroule. Pour cela, Verdi compose un opéra vif, fougueux même, avec des mélodies passionnées et dont la spontanéité nous émeut. Le mouvement est constant et il se passe toujours quelque chose. C'est un opéra populaire dans le meilleur sens du terme.

La mise en scène de Charles Roubaud ne déconcerte pas le spectateur des gradins d'Orange. En revanche, au petit écran (et le mien est vraiment petit...), on perçoit mal, filtrés par l'oeil des caméras, les déplacements d'ensembles ce qui nous la rend quasi inexistante. En revanche, la direction d'acteurs montre toute sa pauvreté par le truchement de ce même filtre. Chacun fait ce qu'il peut, comme il peut. Certains chanteurs parviennent à être convaincants (Lemieux, Alagna), les autres se contentent de chanter et parviennent difficilement à nous émouvoir.





Bertrand de Billy emmène orchestre et plateau dans les envolées lyriques souhaitées et imprime une belle délicatesse aux arias mélodieux. Sa direction est précise et ne sombre jamais dans le clinquant.








Il manque encore un petit quelque chose que je ne parviens pas à définir - ne l'ayant jamais entendu en direct - à Nicolas Testé (Ferrando) pour démontrer toutes ses qualités. Le timbre est chaleureux, le style parfait et la prestance élégante. Cependant, une sorte de réserve semble retenir à la fois l'expressivité et la projection vocale. Mais beaucoup d'espoirs sont permis à cette jeune voix de basse.







Mardi soir, le roumain George Petean a trébuché sur son air d'entrée. Heureusement pour nous - et pour lui - son timbre et sa ligne de chant, alliés à un pur style de baryton verdien, lui ont permis de nous offrir une magnifique interprétation vocale du Conte de Luna. Sa crédibilité scénique reste à démontrer.




De retour dans l'Hexagone après une absence prolongée hors des scènes européennes, la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux maîtrise encore mieux que l'an passé à Salzbourg ce rôle très lourd, fondamental dans l'opéra puisque tout tourne autour de ce personnage violent et enfiévré.


On connaît l'étendue de cette voix. Les graves sont profonds et les aigus restent faciles et bien en place. Elle incarne avec panache une Azucena perdue et éperdue, aimante et furieuse, blessée et vengeresse.

La soprano chinoise Hui He est très belle. L'émission semble puissante et le registre ample. Le style n'est pas parfait mais de très belles réussites techniques s'en approchent étroitement. Reste une justesse approximative dans les duos et ensembles ainsi que quelques commas (intervalle très petit dans la division d'un ton) manquants dans certains aigus. Peu d'émotion passe jusqu'à nous.

J'en viens à notre Trouvère national, Roberto Alagna. Beaucoup de plumes agressives se sont encore exprimées négativement après sa prestation. Envieux, irascibles ou malentendants, tous ces teneurs de stylo belliqueux peuvent bien se déchaîner, il n'en demeure pas moins que Roberto Alagna est, encore et toujours, un magnifique ténor dont le timbre précieux et ensoleillé illumine ce rôle. Sa magnifique ligne de chant, sa projection et son articulation inimitables, sa belle et vive allure imprime au rôle une incandescence naturelle qui façonne un personnage vaillant et chaleureux. Par lui, on est ému.



portée 2 octaves
Maintenant, si on ne l'écoute que pour l'entendre "coincer" le contre-ut (do au-dessus de la portée) du "Di quella pira" et pouvoir dire qu'il ne peut plus chanter, c'est réduire l'opéra à une séance de sauts à la perche où Renaud Lavillenie aurait raté la barre à 6,20 m ! J'apprécie beaucoup l'athlète mais ma passion pour l'art lyrique va au-delà du contre-ut et s'intéresse en profondeur aux qualités des interprètes.

VIVA VERDI !!!


dimanche 19 juillet 2015

Waltraud Meier chante sa dernière Isolde à Munich

C'était sa dernière Isolde et elle l'a chanté à Munich ! Lisez l'article de Resmusica.

Merci Waltraud Meier pour ces instants flamboyants que vous m'avez fait passer lors de vos interprétations parisiennes !

mercredi 15 juillet 2015

Un bel été commence...

L'été s'est installé sur l'hexagone avec son soleil ardent, sa semaine annuelle de canicule, ses longues soirées délicieuses au clair de lune et sa transhumance estivale. Avant de laisser s'envoler les élèves vers les bonheurs des jeux de plage, leurs activités annexes les ont réunis pour une fête annuelle, couronnement attendu d'un projet mitonné tout au long de l'année.

J'ai pu ainsi saluer le talent des jeunes futurs interprètes de comédie musicale de Chaville et les qualités des quelques deux cents petites danseuses de l'Académie de Danse de Saint-Maur et de l'Ile de France.

La fin du printemps, c'est également le moment où les programmes radio se mettent au vert ou, pour certains, s'arrêtent définitivement. J'étais donc à Radio France pour la "Der des Der" de l'émission de France Musique Notes du Traducteur de Philippe Cassard.

Ce sont aussi, avant une fermeture bien méritée, les dernières représentation de l'Opéra National de Paris. Adriana Lecouvreur de Cilea terminait mon abonnement 2014/2015 de la grande maison.

C'est, enfin, l'ouverture des festivals dont les chaînes de télévision et certaines plates-formes numériques offrent les retransmissions aux amateurs qui n'ont pas le bonheur de s'y rendre. La Carmen d'Orange ouvrait le feu avec un très beau plateau.

Voyons donc tout cela en détails.
  1. Natacha Wassilieff, professeure pleine de ressources, a concocté pour ses élèves une adaptation libre d'une série télé américaine "Une Nounou d'Enfer", comédie musicale inspirée des airs de "Smash" dont elle a réécri les paroles.
    L'ensemble nous livre un spectacle haut en couleurs et d'un excellent niveau artistique.
    Parmi les
    Maud Fermé
    individualités à noter, je cite la présence truculente de Maud Fermé, la belle composition de Juliette Doummar,
    Alexandre Blin
    l'excellente prestation, tant vocale que scénique, de Alexandre Blin.







    Marc Drouhin
    campe, quant à lui, un père dépassé, un veuf amoureux trop timide et un homme d'affaires trop occupé, le tout avec une solide présence et une belle voix de baryton.
    Reste l'admirable présence de la jeune et jolie soprano Julia Imbach qui danse et chante à ravir, sait être drôle souvent et émouvante quand il le faut. Elle part, dès la rentrée, à Londres où elle a été admise dans une grande école du genre où elle va parfaire tout le potentiel déjà bien affirmé qu'il nous a été donné d'apprécier.
  2. Marc Drouhin et Julia Imbach

  3. C'est Casse-Noisette que Martine Cot a choisi de chorégraphier cette année pour le toujours très talentueux spectacle du cours de danse qu'elle anime avec métier (plusieurs de ses petites élèves ont intégré la très renommée et difficile Ecole de Danse de l'Opéra de Paris), rigueur, gentillesse et modestie.

    Des plus petits bouts de chou aux pas hésitants et à l'équilibre incertain mais si touchants dans leur désir de bien faire, jusqu'aux ballerines affirmées qui nous proposent une très virtuose interprétation d'une remarquable qualité, tout fut parfait.



    Pari gagné encore cette année où cet après-midi a vu défiler les deux cent quarante enfants, ados et adultes, offrant un spectacle d'un niveau toujours maintenu au plus haut par le travail de Martine Cot.
  4. Les "Notes du traducteur" vont terriblement me manquer sur France Musique. Tout au long de ses émissions, moi qui ne suis qu'une piètre solfégiste dotée d'une oreille tout ce qu'il y a de plus moyen, Philippe Cassard a décortiqué pour moi la musique de Mozart, Schumann, Beethoven, Schubert, Franck, Debussy... et beaucoup d'autres.
    Il a su mettre en exergue ce que mes oreilles ordinaires ne sont pas capables de discerner elles-mêmes. Il m'a fait entendre les harmonies cachées, le travail de la main gauche, le lyrisme de la main droite... Toute l'essence même des morceaux ainsi épluchés fut révélée à mon coeur et je ne les écoute plus tout à fait de la même oreille.
    Philippe Cassard
    Mais Philippe Cassard nous l'a dit, cette "Der des Der" n'est qu'un au-revoir puisque dès la rentrée, il nous délivrera, dans une toute nouvelle émission, d'autres notes qui, n'en doutons pas, seront tout aussi instructives et plaisantes.
  5. Adriana Lecouvreur, l'opéra de Cilea, s'inspire pour son livret d'une pièce de Eugène Scribe et Ernest Legouvé dans laquelle se sont illustrées rien moins que Sarah Bernhardt et Rachel.
    La pièce, elle, repose sur un fait-divers réel : la mort subite à 38 ans (en 1730) de la célèbre actrice de la Comédie Française, Adrienne Lecouvreur, qui révolutionna l'art de la déclamation en le rendant plus simple et plus clair, probablement assassinée par sa rivale jalouse, la princesse de Bouillon dont le Comte Maurice de Saxe était l'amant et qui la trahissait allègrement avec La Lecouvreur...
    L'opéra de Cilea, dramatiquement touffu et musicalement capiteux et enflammé, réserve quelques pages tout en douceur comme le prélude du IV. Sous la baguette attentive d'un Daniel Oren que je n'attendais pas dans ce registre retenu, l'orchestre de l'ONP, toujours excellent, émaille la partition de sonorités brillantes et de pianissimi inspirés. A noter le dernier souffle de l'héroïne confié à la harpe céleste de Emmanuel Ceysson qui, dès la rentrée prochaine enchantera la fosse du MET à New York.
    Cette production déjà présentée à Londres, Vienne et Barcelone, situe l'intrigue dans son époque (le XVIIIème siècle), dans son contexte (le théâtre), sans nous embarquer dans une quelconque parallèle ni aucune élucubration douteuse. Si l'on peut reprocher à David McVicar l'absence de direction d'acteur dont vont souffrir surtout Marcelo Alvarez et Luciana d'Intino, on ne peut que louer sa mise en scène qui s'articule fort justement autour des tréteaux de la scène, du théâtre dans le théâtre.

    Grâce aux décors de Charles Edwards et aux magnifiques costumes de Brigitte Reiffenstuel qu'éclaire fort agréablement Adam Sylverman, on est plongé dans l'univers de Watteau. C'est délicieux, d'un grand esthétisme qui nous facilite la compréhension d'un livret passablement encombré de quiproquos et de confusions en tous genres.
    Je rends hommage à un plateau très homogène et d'une belle qualité globale. Des rôles secondaires d'une fort belle tenue : Alexandre Duhamel et Carlo Bosi en Quinault et PoissonWojtek Smilek honorable en Prince de Bouillon et Raùl Gimenez en Abbé de Chazeuil libertin à souhait.
    Alessandro Corbelli et Angela Gheorghiu



    Alessandro Corbelli
     incarne - à proprement parler - le régisseur Michonnet également épris d'Adrienne, avec une justesse de sentiments qui le rend particulièrement attachant et très émouvant.



    Luciana d'Intino


    La mezzo-soprano Luciana d'Intino est impressionnante de vaillance et de puissance. Elle ne chante pas dans la dentelle et campe une princesse de Bouillon antipathique à souhait mais dont j'aurais apprécié un peu plus de subtilité à la fois vocale et scénique.






    Marcelo Alvarez et Angela Gheorghiu


    Le ténor argentin Marcelo Alvarez, lui, n'incarne pas le moins du monde le beau Maurice de Saxe que ses deux maîtresses se disputent. Mais il était dans une forme vocale éblouissante, comme je l'ai rarement entendu.



    La - toujours - très belle Angela Gheorghiu livre une performance mitigée de ce rôle, écrasant il est vrai. Au premier acte, un peu perdue sur le grand plateau de Bastille, elle peine à passer dans le grand vaisseau de cette salle. Dans la seconde partie, malgré les insuffisances d'une voix qui n'a plus vingt ans, la soprano parvient à hisser son talent vocal et scénique. Bien sûr, outre ses airs d'un grand lyrisme dramatique, cet opéra demande à l'interprète d'un rôle de comédienne, de dire deux textes. Or, tout le monde le sait, les cantatrices ne sont pas des déclamatrices... Gheorghiu pas plus que les autres. L'extrait de "Phèdre" clamé au troisième acte est bien pâle et nous donne à entendre toute la lourdeur emphatique dont La Lecouvreur avait, justement, su dépouiller la diction des vers classiques.
  6. Angela Gheorghiu
    Mais bon. Si on veut de la déclamation, on va à la Comédie Française et non à l'opéra où le sentiment se chante. Et Angela a su chanter la mort d'Adriana avec uen riche intensité tout en restant légère.
    5. On attendait Kaufmann et on a eu un GRAND Don José. On attendait moins Kate Aldrich et on a eu une très belle Carmen. On n'attendait rien de Kyle Ketelsen et son Escamillo fut Olé ! On attendait Inva Mula et on a eu une touchante Micaëla.
    Certains attendaient une espagnolade, on a eu la Carmen de Mérimée...
    Il est de bon ton de dénigrer les productions des Chorégies d'Orange. Je serai dans le mauvais ton, n'en déplaise aux grognons.

J'ai apprécié cette production sans paillettes, sans robes volantées trop vivement colorées, sans flamencos endiablés rythmés par les castagnettes, sans folklore tapageur. J'y ai retrouvé l'atmosphère sombre et sobre de la nouvelle de Prosper Mérimée dans laquelle le destin (les cartes) juxtapose deux tempéraments que tout oppose. Chacun d'eux aura mal à sa manière et aucun ne démérite de n'être que ce qu'il est. Tous deux seront jusqu'au-boutistes : Carmen dans sa volonté de rester libre, Don José aveuglé par son amour jaloux.

Samedi soir, les deux chanteurs ont donné le meilleur. Kate Aldrich dont la plastique et l'oeil de braise n'ont eu d'égal que le velouté de sa voix, a pleinement chanté avec vaillance et nuances aussi, le rôle écrasant de la cigarière.
Quant à Jonas Kaufmann, on serait tenté d'utiliser tous les superlatifs pour encenser sa prestation : le volume, l'ampleur, la couleur, les nuances (Ah ! ses pianissimi... !), la ligne de chant... C'est magnifique. Quant à l'incarnation, aidé en cela par cette production resserrée sur l'essentiel, elle lui permet de nous restituer un Don José, certes perdant, mais qui conserve une parcelle de dignité dans sa défaite.


Un mot encore sur la direction au cordeau de Mikko Franck qui ne cède, elle non plus, rien au folklore.

A voir et à revoir encore sur Culturebox pendant plusieurs mois. Régalez-vous !



vendredi 3 juillet 2015

Dominique Jameux




Dominique Jameux
 La voix, si reconnaissable, de Dominique Jameux avait quitté les ondes de France Musique déjà depuis quelques années. Mais ses livres - et en particulier son "Chopin" nous restent, fort heureusement. Réécouter l'émission "Le Magazine" où Lionel Esparza l'avait invité à l'occasion de sa sortie.

Pour ce qui me concerne, j'ai encore dans l'oreille ses précieuses explications dans son émission "Le fauteuil de Monsieur Dimanche", où il a disséqué pour mes oreilles incultes une grande partie de l’œuvre de Wagner, juste à l'époque où je commençais à m'y intéresser furieusement.

A une époque où les budgets obligent (!) les directeurs de la Grande Maison Ronde à remercier des producteurs "trop chers" en leur proposant d'inacceptables émissions mais laissent et même incrustent de piètres présentateurs tout juste capables d'annoncer et désannoncer de très courts extraits cisaillés dans les œuvres, pour ne pas fatiguer leur auditoire, je regrette d'autant plus la disparition de ces producteurs qui savaient nous parler de musique avec intelligence et, surtout, passion !

Que le Royaume de la Musique l'accueille et qu'il y retrouve tous ceux dont il a su si bien parler et sur lesquels il a si bien écrit.















mardi 16 juin 2015

Caroline Casadesus : Une Femme Debout !

Musée des "26 Couleurs"
C'est dans un lieu de mémoire du monde industriel des XIXème et XXème siècles que Caroline Casadesus nous conviait pour la création du nouveau spectacle musical qu'elle a conçu et écrit : "Une Femme Debout".


A Saint-Fargeau-Ponthierry, la fabrique de papiers peints Leroy a été reconvertie en espace culturel en 2011. La machine "26 couleurs" qui lui donne son nom, trône au sein d'un parcours muséographique où l'on peut voir les machines électriques de la centrale, astiquées et rutilantes de leur fonte et tous leurs cuivres.


Mais se niche, également dans cet espace, une salle où nous avons pris place.

Juliette Mailhé



Une estrade, un piano, un tabouret de bar, un guéridon et un porte-manteau. Les accessoires sortiront du piano... Ils sont importants et Juliette Mailhé, qui a signé la mise en scène, les utilise habilement pour souligner un trait, un développement ou une action.





Dans "Une Femme Debout", Caroline Casadesus nous conte en musique les fortunes et (surtout) les infortunes d'une jeune femme, au travers de ses rencontres (bonnes et mauvaises), de ses amours (heureuses et malheureuses), qui l'entraîneront au fond du fond mais dont la volonté lui permettra de se remettre debout.

Jean-Claude Casadesus

Giselle Casadesus
Dans la famille Casadesus, demandez les petites-filles - de Giselle - ou la fille - de
Jean-Claude ou de Béatrice - et vous obtiendrez Caroline et Juliette.
Soprano à l'ample chevelure rousse et au corps de liane, Caroline Casadesus nous emporte au long de ce récit que la voix off de Pierre François Pistorio nous situe ponctuellement.
Juliette Mailhé a mis tout ça en espace.




Caroline Casadesus
La voix veloutée de la soprano, tour à tour sensuelle, douce ou vaillante, nous la joue "bastringue cabaret" avec Vian, nous berce sur les arpèges de Fauré, nous porte en valse lente avec Satie, nous embarque de Seguedille en Habanera via une pause sur un trio de cartes... Elle nous promène de Weill à Koëchlin en passant par Lehar, Offenbach, Poulenc ou Fréhel... tout au long de cette vie dramatique d'une femme amoureuse.

Jean-Christophe Rigaud


A noter que Jean-Christophe Rigaud au piano, s'il accompagne avec beaucoup de brio tous ces styles de musique, sait aussi donner la réplique et interpréter joliment des intermèdes appropriés à l'ambiance du récit.




Des drames courants dont Caroline Casadesus nous rappellera la survivance et l'ampleur dans notre XXIème siècle. Savez-vous par exemple, qu'en France une femme tombe sous les coups de son conjoint, quel que soit son milieu social, tous les deux jours et demi et qu'une femme est violée - toujours en France - toutes les  sept minutes... !  Merci à Caroline Casadesus de nous sensibiliser à ce sujet grave des violences faites aux femmes, en s'appuyant avec talent sur un fil conducteur qui se veut léger mais n'en touche pas moins vivement les esprits et les coeurs.

Le spectacle "Une Femme Debout" sera rejoué dans le cadre des "Concerts de Poche",
le 2 octobre 2015. Suivez le lien du site pour connaître le lieu du concert.

mardi 9 juin 2015

Orchestre de Paris - Philharmonie de Paris - 28 mai 2015

Philharmonie de Paris
Se retrouver, ce soir-là, pour la première fois dans la salle de la Philharmonie de Paris alors qu'on ne savait pas, le matin même, que cela serait, fait partie des heureux évènements d'une journée.

Je ne peux pas dire que l'arrivée devant le bâtiment de Jean Nouvel fut un émerveillement... De loin, cette structure grisâtre de prismes irréguliers imbriqués les uns aux autres, genre légo mal assemblé, parait sale et triste. De près, l'ensemble n'apparaît pas plus heureux malgré les vols d'oiseaux figurés sur les parois.
Philharmonie de Paris
Une série d'escalators débouche sur une terrasse, en plein vent ce soir-là, nous livrant une vue tristounette sur le périf et permettant l'accès aux portes du hall.





Un grand hall très impersonnel, sans décoration, où siègent de part et d'autre guichets et billetterie. Les accès à la salle sont de la même eau, en moins clair.








Et passé le seuil d'entrée de la salle, on se trouve, comme par prodige, dans un grand espace bien éclairé au centre duquel l'orchestre doit se placer. Tout autour et jusqu'en haut, des volutes s'étirent en vagues qui se superposent, balcons au coeur desquels le public s'installe.



Ce n'est pas révolutionnaire mais les lignes arrondies apportent de l'élégance à l'ensemble.

Très bien, me direz-vous. Et la musique alors ?... M'y voici :


Au programme, l'Orchestre de Paris, son chef Paavo Järvi, le concerto n° 1 pour violon de Max Bruch avec Renaud Capuçon et la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler (vous savez, celle de "Mort à Venise").

Grâce au son du Guarnerius de Renaud Capuçon et sous l'archet du grand violoniste, j'ai pris plaisir à découvrir les trois mouvements de ce concerto. Un premier en forme de prélude (Vorspiel) sur un Allegro moderato vigoureux nous porte jusqu'à un Adagio séduisant et romantique. Le final Allegro energico nous embarque sur des tonalités dansantes à la hongroise. Une oeuvre intéressante mais qui ne m'a pas émue comme le font les concertos de Mendelssohn, Brahms ou Beethoven. En l'absence de point de comparaison et n'étant pas spécialiste de l'art du violon, je suppose néanmoins que l'interprétation de Renaud Capuçon, très virtuose, a été magnifique.

Paavo Järvi

En seconde partie, Paavo Järvi dirigeait son Orchestre de Paris au grand complet, dans la foisonnante 5ème de Mahler. Dans l'orchestration très dense du compositeur viennois, les deux premiers mouvements égrènent des sonorités sombres, envoûtantes. L'Adagietto qui suit apporte une bouffée de fraîcheur. Les sons sont suspendus et transportent l'esprit vers des sommets plus enchantés. Le 4ème mouvement, s'il ne retombe pas complètement dans la pesanteur des deux premiers, n'apporte pas vraiment d'éclaircie dans l'esprit mahlérien.


J'ai trouvé l'interprétation de l'orchestre très appliquée. Les sonorités sont belles et tout est bien en ordre. J'aurais, personnellement, aimé un peu plus de profondeur, un souffle un peu plus échevelé, l'exposition d'un réel projet de la part de Paavo Järvi.

En résumé, une première soirée dans cette salle de concert dans laquelle je ne reviendrai qu'épisodiquement, à la faveur de certaines grandes affiches.

jeudi 4 juin 2015

25 mai 2015 - Le Roi Arthus de Ernest Chausson - Opéra Bastille

Si je n'avais qu'un seul souhait musical à formuler cette année, il ne pourrait être, après cette résurrection de l'oeuvre et son entrée au répertoire de l'Opéra de Paris 115 ans après sa création en France, que Le Roi Arthus de Ernest Chausson demeure (enfin !) et soit représenté de manière permanente au même titre que Faust, Carmen ou Manon...

Il est en effet fort regrettable que cette magnifique musique ait échappé à la culture de plusieurs générations de mélomanes qui n'auront pas connu le bonheur ni l'émotion qu'elle dispense du premier au dernier acte.

L'orchestration foisonnante transporte d'emblée notre conscience musicale vers les accents wagnériens car il faut, inévitablement, la rapprocher d'un monde connu. Et, oui, la filiation directe s'impose, surtout lorsqu'on a la connaissance de la fascination que les opéras de Wagner ont exercée sur le compositeur français. Egalement librettiste (tout comme son modèle allemand), Chausson, féru de littérature celtique et de légendes médiévales, s'attelle à la composition de son unique opéra, ce qui l'occupera jusqu'à la fin de sa courte vie (il meurt des suites d'un accident de bicyclette à 44 ans) sans qu'il ait eu le plaisir de le voir créer (Bruxelles en 1903).
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Mais, au-delà du lyrisme germain, c'est bien une musique française dont nous découvrons les accents. Que ce soit par le choeur, presque berliozien parfois, par les accords enflammés des cuivres et les envolées des cordes debussystes aussi ou ces couleurs sonores fauréennes souvent.

L'ensemble est mené de main de Maître par Philippe Jordan, toujours soucieux d'ampleur et de légèreté et qui sait ménager, autant que faire se peut, son plateau de chanteurs.
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Passons sur le ratage de la mise en scène de Graham Vick qui plonge l'admirable légende des Chevaliers de la Table Ronde au coeur d'un paysage champêtre où s'assemble "La petite maison dans la prairie" façon "Lapeyre" (Y'en n'a pas 2 !) livrée en kit avec, en prime, un canapé en skaï rouge, garni d'une Genièvre en petite robe de dentelle blanche à bretelles.
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Au fil des actes, les fleurs fanent, la toile de fond se déchire, la maisonnette se lézarde et le canapé prend feu... laissant au final un espace désolé et calciné. Si l'on ajoute à cela la laideur et la tristesse des costumes tout droit sortis des surplus des "3 Suisses", on comprend que le ratage est complet !
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
Et c'est à l'aune de ce ratage que je mesure la force et la qualité de la musique de E. Chausson, car passés les agacements du premier tableau, j'ai oublié tout ça pour ne plus m'intéresser qu'à ce que j'entendais et à l'émotion que cette oeuvre m'a procurée.

Le plaisir de cette belle découverte lyrique est dû, aussi, à l'admirable talent de la distribution qui a rendu hommage à cette tardive entrée au répertoire.

Les seconds rôles d'abord dont chaque courte intervention est un beau moment :
- Alexandre Duhamel, baryton, belliqueux Mordred
- François Lis, basse, qui prête son beau timbre chaud à Allan
- Cyrille Dubois, ténor, dont la voix illumine la complainte du Laboureur par son style impeccable
- Stanislas de Barbeyrac, ténor, qui campe un lumineux Lyonnel, si ému - et donc émouvant - de la perte de son Chevalier tant admiré.




Peter Sidhom nous propose un Merlin dont la fatigue vocale rend les accents encore plus désenchantés. La scène de la fin du second acte, entre Arthus et Merlin, est d'une grande intensité émotionnelle.



Sophie Koch, toujours très belle, incarne une Genièvre passionnée dont l'amour éperdu pour Lancelot provoquera le chaos. La mezzo défend ce rôle vocalement ingrat avec intelligence et des moyens à la hauteur des difficultés.






Roberto Alagna est un magnifique Lancelot tout en vaillance physique et vocale. Plus en forme encore que dans Le Cid, il se joue des interminables phrases dont il distille chaque mot avec la parfaite diction qu'on lui connaît.






Thomas Hampson, après un début un peu fébrile, chante un Roi Arthus très nuancé, souverain, aux accents déchirants et à l'extraordinaire présence scénique.

Une formidable soirée lyrique avec une très heureuse découverte. A noter que cette programmation est à mettre au crédit du compte de l'ancien directeur de l'Opéra, Nicolas Joël.
Le Roi Arthus - Opéra de Paris - mai 2015
France Musique diffusera, samedi 6 juin prochain dans l'émission "Un soir à l'Opéra" de Judith Chaine à 19 hl'enregistrement de l'oeuvre, pris à l'Opéra Bastille le 28 mai
Attention ! : NON DISPONIBLE à la réécoute.