dimanche 5 avril 2015

Le Cid de Massenet revient à Garnier

En quatre actes et dix tableaux, Jules Massenet crée, en 1885 dans cette même sale de l'Opéra Garnier, son opéra Le Cid, d'après la tragédie de Pierre Corneille.

Si l'on retrouve - parfois dans le désordre - quelques-uns des vers célèbres de la pièce, les librettistes et le compositeur ont largement brodé sur le sujet.

Après une ouverture assez clinquante où l'on eut quelques difficultés à reconnaître les merveilleux cornistes et autres vents de l'Orchestre de l'ONP, la première partie de l'oeuvre s'étire un peu laborieusement dans son exposé, malgré un choeur dont la vaillance souligne le côté "pompier" de la musique.

Annick Massis



Heureusement que, grace à une Annick Massis au grand talent, deux moments de réelle fraîcheur musicale nous sont offerts : le duo avec Chimène et une sorte de cantage religieuse dans laquelle la soprano nous comblera par la luminosité de ses aigus et la limpidité de son timbre. La chanteuse parvient, en outre, à donner un peu d'épaisseur à ce personnage de l'Infante par ailleurs très mineur. Un luxe salué à sa juste valeur à l'applaudimètre.



La seconde partie de l'oeuvre s'étoffe des airs les plus beaux de la partition. Celui de Chimène "Pleurez mes yeux..." et celui de Rodrigue "Ô souverain, Ô juge, Ô père..." auxquels on peut ajouter celui de Don Digègue "Il a fait noblement ce que l'honneur conseille...". L'action s'accélère et tout se termine bien (un exploit à l'opéra... !).

La production vient de Marseille où elle fut représentée en 2011. Charles Roubaud (metteur en scène) situe l'action dans un Espagne Art Déco si l'on en croit le décor. Sa principale qualité réside dans sa très grande lisibilité.

Michel Plasson

La baguette de Michel Plasson est énergique et fait donner la fanfare dans une bonne moitié de la première partie et pendant le ballet de la reprise (à noter que ce ballet est joué à rideau fermé sans danseurs). Mais Plasson possède parfaitement "son Massenet" et nous réserve quelques beaux moments d'émotion dans les passages où les deux principaux chanteurs s'expriment plus intimement. On retrouve les nuances et le charme.




A noter que tous les rôles annexes sont parfaitement tenus par Francis Dudziak, Jean-Gabriel Saint-Martin, Luca Lombardo et Ugo Rabec. 

La voix large de Laurent Alvaro donne toute l'arrogance voulue au Comte de Gormas et Nicolas Cavalier campe un roi tout en noblesse, tous deux avec une parfaite diction.

Paul Gay




Paul Gay, beau baryton-basse, est un Don Diègue tout en retenue et en austérité d'abord et devient très poignant quand il pense à son fils mort. Timbre riche, qualités stylistiques et parfaite diction.





Sonia Ganassi



J'ai beaucoup regretté que Chimène ne fut pas, comme à Marseille, chantée par Béatrice Uria-Monzon où elle avait très brillamment incarné une magnifique Chimène. Sonia Ganassi, si elle affronte courageusement cette tessiture redoutable, se bat malheureusement avec des aigus qu'elle plaque en force. Elle maîtrise un peu mieux l'air "des pleurs" mais sans, toutefois, convaincre véritablement.




Roberto Alagna


Quant à notre Roberto national, qui avait rempli la salle jusqu'au dernier strapontin, il a été à la hauteur de la tâche. Très en forme, le ténor défend avec talent cette partition sans concession et ce personnage vaillant et valeureux, avec la belle énergie qu'on lui connait.





Roberto Alagna

Le médium est solide et résiste à la forte masse orchestrale emmenée par Plasson. Très enlevé d'ailleurs, l'air "Ô noble lame étincelante" claque un peu comme un oriflamme. Mai Alagna parvient à bien garder la ligne.
Dans "Ô souverain...", il est à son meilleur avec ce phrasé et cette diction impeccables, une ligne de chant sans faiblesse et ce timbre qui, même s'il est moins solaire qu'il ne le fut, reste cependant d'une très belle couleur et d'une grande qualité.





En résumé, une oeuvre inégale mais une très belle soirée d'opéra.

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