mardi 28 avril 2015

"Plaisirs du Quatuor" - Enregistrement du 27 avril 2015 à Radio France

C'est toujours un bonheur enrichissant que d'assister à l'enregistrement de l'émission de Stéphane Goldet "Plaisirs du Quatuor", émission que vous pourrez écouter sur France Musique le dimanche 10 mai prochain à 13 h 30.
Stéphane Goldet

L'excellent Quatuor Diotima y était invité pour nous interpréter en direct, deux chapitres (Ia et Ib) de la composition de Pierre Boulez "Livre pour quatuor" (1948) et le quatuor n° 15 en la mineur (1825) de L. Van Beethoven.
Quatuor Diotima

Nous avons trouvé sur les sièges du Studio 106 de la Maison de la Radio, un dossier que Stéphane Goldet
avait pris soin de préparer à l'attention du public venu nombreux assister à ce concert. Et ce ne fut pas superflu de lire, sur cette oeuvre de Pierre Boulez, cet extrait du livre de la musicologue : "Quatuor à Cordes au XXème siècle" édité en 1989 chez Actes Sud et dont Boulez écrivit la Préface. Pas superflu, non plus, d'entendre les explications prodiguées par la notre musicologue et par les musiciens.

P. Boulez et J.L. Barrault en 1949


J'imaginais bien la difficulté qu'il y a à exécuter une oeuvre de Boulez, mais d'assister de visu à son interprétation permet d'en mesurer l'ampleur. Stéphane Goldet explique que - et je la cite : "...la difficulté des formules rythmiques est gigantesque. Elles sont rarement assises sur le temps, complexes, et le plus souvent extrêmement rapide. Il n'est pas rare de voir le compositeur changer de métrique, de tempo (sans rien dire du mode de jeu), introduire une modification radicale de nuance par intervention et ce, à chaque mesure..." 




Je ne vais pas vous dire que j'ai été bouleversée par cette oeuvre, vous ne me croiriez pas. Je ne vous dirais d'ailleurs pas non plus que je l'ai aimée. Ce qui est certain c'est que je l'ai trouvée intéressante et que j'ai apprécié le talent des interprètes qui ont su mettre en valeur ces sonorités sèches, rigides, brutales presque, qui rendent l'écoute si âpre.

Stéphane Goldet nous précise - je cite à nouveau : "qu'en 1948 (Pierre Boulez n'a que 23 ans !) composer est essentiel, être joué n'était qu'accessoire". Transcrite pour orchestre à cordes par le compositeur, l'oeuvre parvient à prendre quelques couleurs qui adoucissent sa raideur.



Pour la seconde partie de cette prochaine émission, le Quatuor Diotima nous a offert une très belle version du 15ème quatuor de L. Van Beethoven.

Mes oreilles et mon épiderme ont pu ainsi retrouver toutes leurs sensations habituelles. L'oeuvre est créée en septembre 1825. C'est le premier quatuor à comprendre cinq mouvements :
- le premier en deux parties assez enlevées
- le second très dansant
- le troisième, "molto adagio", étire ses sons jusqu'au bout des archets et m'a beaucoup fait penser à l'adagio du quintette en ut majeur de F. Schubert.
- l'allégresse du quatrième mouvement nous ramène à plus de légèreté
- le cinquième termine l'oeuvre en une belle envolée passionnée.

Magnifique interprétation des quatre musiciens - Constance Ronzatti, Yun-Peng Zhao (violons), Franck Chevalier (alto), Pierre Morlet (violoncelle) - précise et lyrique, passionnée et bellement romantique.

Merci encore à Stéphane Goldet pour ce concert de grande qualité et à France Musique qui nous permet d'assister à ces enregistrements, une belle prestation du Service Public qui subsistera, je l'espère vivement, même dans le futur régime économique de la Grande Maison Ronde... !

vendredi 17 avril 2015

Récital Franz-Josef Selig - Opéra Bastille 14 avril 2015

Pour l'avoir entendu dans les opéras de Richard Wagner, je n'imaginai pas que la belle et puissante voix du baryton-basse Franz-Josef Selig puisse, à ce point, moduler de si belles nuances dans le lied allemand. Eh bien, je me trompai !

Le choix des oeuvres proposées était très judicieux. Avec des lieder moins connus du répertoire, que ce soit dans les oeuvres de Schubert (même s'il y eut des extraits du Schwanengesang (Le chant du Cygne)), de Wolf, de R. Strauss ou de Rudi Stephan, l'ensemble s'articulait dans une ambiance plutôt sombre et onirique, dramatique aussi, lyrique parfois, mélancolique souvent, tout ce qui sied au romantisme allemand.

Gerold Huber
Superbement emmené et soutenu par le talent de Gerold Huber, son pianiste, Franz-Josef Selig a démontré que l'on peut domestiquer une grande voix ! Si nous avons profité de toute la profondeur de son timbre de basse et de toute la puissance dont il est capable, le chanteur a, pour servir ces mélodies, réussi à trouver une émission tout en demi-teinte, mais sans détimbrer, pour exprimer toutes les nuances voulues par les compositeurs et par les poètes. Les mots justement, grâce à une belle articulation, ont sonné juste.

Franz-Josef Selig
Ajouterai-je que la ligne de chant fut d'une extrême stabilité, que le style fut des meilleurs et que chaque compositeur fut magnifiquement servi. Un très beau concert, salué chaleureusement par le public enthousiaste qui n'a, malheureusement, pas rempli l'hémicycle de l'amphithéâtre de Bastille... Force est de constater que les français boudent toujours le récital de lieder.

Lise Berthaud & Adam Laloum à Blandy-les-Tours le 12 avril 2015





Qu'il était donc agréable ce dimanche de printemps rayonnant à Blandy-les-Tours ! Et que ce fut merveilleux d'entendre un concert dans le château !





Les deux jeunes musiciens que sont l'altiste Lise Berthaud et le pianiste Adam Laloum nous ont offert, dans le cadre des Concerts de Poche, ce très beau récital romantique dans le meilleur sens du terme.

Le moment musical a commencé par des "Histoires de contes de fées" (Märchenbilder) de Robert Schumann. Les quatre pièces sont le passage obligé de tout altiste qui se respecte. Lise Berthaud en a développé toute la richesse et toute l'émotion, tout le lyrisme aussi. Bien soutenue par les accents graves et passionnés imprimés au piano par le doigté exceptionnel d'Adam Laloum.

Si j'ai tendance à préférer le chant du violoncelle pour la Sonate "Arpeggione" de Franz Schubert, j'ai pris cependant beaucoup de plaisir à l'entendre sous l'archet expressif de Lise Berthaud. Les beaux accents mélancoliques, voire douloureux, de cette très belle oeuvre dans ses deux premiers mouvements et cet Allegretto final, presqu'enjoué, ont été parfaitement exprimés par les deux jeunes artistes.

Si mon émotion est plus grande à l'écoute de la Sonate n° 1 en fa mineur dans sa version originale pour clarinette et piano de Johannes Brahms, reconnaissons que Adam Laloum et Lise Berthaud nous en ont offert une brillante interprétation.

Lise Berthaud & Adam Laloum à Blandy-les-Tours
Un bel après-midi de musique dans un lieu magique. Espérons que les Concerts de Poche, qui fêtent leur dixième anniversaire, continueront à nous proposer ces magnifiques et talentueux moment de musique.

dimanche 5 avril 2015

Le Cid de Massenet revient à Garnier

En quatre actes et dix tableaux, Jules Massenet crée, en 1885 dans cette même sale de l'Opéra Garnier, son opéra Le Cid, d'après la tragédie de Pierre Corneille.

Si l'on retrouve - parfois dans le désordre - quelques-uns des vers célèbres de la pièce, les librettistes et le compositeur ont largement brodé sur le sujet.

Après une ouverture assez clinquante où l'on eut quelques difficultés à reconnaître les merveilleux cornistes et autres vents de l'Orchestre de l'ONP, la première partie de l'oeuvre s'étire un peu laborieusement dans son exposé, malgré un choeur dont la vaillance souligne le côté "pompier" de la musique.

Annick Massis



Heureusement que, grace à une Annick Massis au grand talent, deux moments de réelle fraîcheur musicale nous sont offerts : le duo avec Chimène et une sorte de cantage religieuse dans laquelle la soprano nous comblera par la luminosité de ses aigus et la limpidité de son timbre. La chanteuse parvient, en outre, à donner un peu d'épaisseur à ce personnage de l'Infante par ailleurs très mineur. Un luxe salué à sa juste valeur à l'applaudimètre.



La seconde partie de l'oeuvre s'étoffe des airs les plus beaux de la partition. Celui de Chimène "Pleurez mes yeux..." et celui de Rodrigue "Ô souverain, Ô juge, Ô père..." auxquels on peut ajouter celui de Don Digègue "Il a fait noblement ce que l'honneur conseille...". L'action s'accélère et tout se termine bien (un exploit à l'opéra... !).

La production vient de Marseille où elle fut représentée en 2011. Charles Roubaud (metteur en scène) situe l'action dans un Espagne Art Déco si l'on en croit le décor. Sa principale qualité réside dans sa très grande lisibilité.

Michel Plasson

La baguette de Michel Plasson est énergique et fait donner la fanfare dans une bonne moitié de la première partie et pendant le ballet de la reprise (à noter que ce ballet est joué à rideau fermé sans danseurs). Mais Plasson possède parfaitement "son Massenet" et nous réserve quelques beaux moments d'émotion dans les passages où les deux principaux chanteurs s'expriment plus intimement. On retrouve les nuances et le charme.




A noter que tous les rôles annexes sont parfaitement tenus par Francis Dudziak, Jean-Gabriel Saint-Martin, Luca Lombardo et Ugo Rabec. 

La voix large de Laurent Alvaro donne toute l'arrogance voulue au Comte de Gormas et Nicolas Cavalier campe un roi tout en noblesse, tous deux avec une parfaite diction.

Paul Gay




Paul Gay, beau baryton-basse, est un Don Diègue tout en retenue et en austérité d'abord et devient très poignant quand il pense à son fils mort. Timbre riche, qualités stylistiques et parfaite diction.





Sonia Ganassi



J'ai beaucoup regretté que Chimène ne fut pas, comme à Marseille, chantée par Béatrice Uria-Monzon où elle avait très brillamment incarné une magnifique Chimène. Sonia Ganassi, si elle affronte courageusement cette tessiture redoutable, se bat malheureusement avec des aigus qu'elle plaque en force. Elle maîtrise un peu mieux l'air "des pleurs" mais sans, toutefois, convaincre véritablement.




Roberto Alagna


Quant à notre Roberto national, qui avait rempli la salle jusqu'au dernier strapontin, il a été à la hauteur de la tâche. Très en forme, le ténor défend avec talent cette partition sans concession et ce personnage vaillant et valeureux, avec la belle énergie qu'on lui connait.





Roberto Alagna

Le médium est solide et résiste à la forte masse orchestrale emmenée par Plasson. Très enlevé d'ailleurs, l'air "Ô noble lame étincelante" claque un peu comme un oriflamme. Mai Alagna parvient à bien garder la ligne.
Dans "Ô souverain...", il est à son meilleur avec ce phrasé et cette diction impeccables, une ligne de chant sans faiblesse et ce timbre qui, même s'il est moins solaire qu'il ne le fut, reste cependant d'une très belle couleur et d'une grande qualité.





En résumé, une oeuvre inégale mais une très belle soirée d'opéra.