dimanche 19 mars 2017

Carmen, privée de LIBERTÉ

La Liberté, c'est sa colonne vertébrale !
C'est l'essence même de sa nature, elle la respire par tous les pores de sa peau et c'est elle qui motive chacun de ses actes.

Elle gagne sa vie petitement mais librement comme cigarière, elle choisit de partager le quotidien des contrebandiers et c'est au nom de cette Liberté qu'elle aime - ou pas - les hommes qui croisent son chemin.


Mais le choix de Calixto Paieito, dans cette production de 1999 qui a bourlingué de par le monde, c'est celui de priver Carmen de cette indépendance d'esprit pour l'enfermer dans l'espace glauque et malsain de la prostitution et du banditisme. Hors des bas-fonds, pas de salut pour les femmes libres !

C'est ne pas avoir compris à quel point Carmen - personnage parfaitement fictif - est (ou plutôt devrait être) le porte-étendard du droit des femmes.


Car Mérimée, Meilhac et Halévy mis en musique par Bizet étaient bien plus visionnaires que ce metteur en scène qui ne voit dans la Liberté des femmes à choisir leur amant que créatures de mauvaise vie et maraudeuses sous la coupe de quelques fripouilles qui ne règnent que par la violence graveleuse.

Du coup, le mythe de la Liberté brisé, le personnage a perdu toute sa force, toute la puissance du message qu'il délivre, toute l'illusion qu'il porte au fond de l'âme. Carmen a beau clamer les mots du livret, leur sens est dévoyé et tombe à plat. Le propos ainsi porté entrave l'expression même de son message et lui retire toute crédibilité.

Le même sort est réservé - en plus avilissant encore - à Frasquita et Mercédès, rendant la portée du trio des cartes parfaitement inaudible.

Car, dans ce drame, le seul véritablement enfermé, c'est Don José. D'abord dans le carcan de la morale, puis dans celui de sa jalousie. C'est d'ailleurs ce qui place Carmen dans la lumière.

Mais peut-être M. Calixto Bieito n'a-t-il pas fait l'effort de prendre le parti de Carmen ? Celui des femmes...

Il y avait longtemps - vous l'aviez peut-être remarqué ? - que je passais sous silence mes avis sur les mises en scènes. Inutile de perdre son temps... Mais mon devoir de femme libre - même illusoirement - ne me permettait pas, ici, le silence. Cela aurait ressemblé à une trahison !


L'avantage à l'opéra, c'est qu'il y a la musique et des chanteurs. Et, pour cette représentation du 16 mars, nous avions un très beau plateau.

Malgré la direction trop lente et trop lourde de Giacomo Sagripanti, l'ensemble fut d'une très bonne tenue. Les Chœurs de l'Opéra de Paris ont été à la hauteur de ce répertoire qui est le leur.

Tous les nombreux seconds rôles ont été parfaitement tenus, avec une mention spéciale pour Vannina Santoni en Frasquita et Antoinette Dennefeld en Mercédès.


Tant vocalement que physiquement, l'Escamillo de Roberto Tagliavini nous a enchanté, du grave à l'aigu, dans son Toréador.








Belle surprise avec la Micaela d'Aleksandra Kurzak (Mme Alagna à la ville) qui a assuré avec ses
moyens mais beaucoup de conviction et de belles nuances dans ce rôle difficile qui doit parvenir à exister dans l'ombre du rôle titre.






Roberto Alagna était en pleine forme et c'est toujours un grand bonheur d'entendre ce merveilleux phrasé, cette ampleur, cette projection, ce beau volume au service d'un timbre toujours aussi
lumineux.


Clémentine Margaine possède tous les moyens pour devenir une grande Carmen : timbre, volume, ampleur, de beaux graves et des aigus très sûrs. Il lui reste à parfaire sa musicalité et à maîtriser la technique des sons piano ainsi qu'à peaufiner ses fins de phrases qui se perdent un peu dans le souffle. Je suis certaine qu'elle en a les capacités et que, le travail aidant, elle deviendra une grande mezzo.



Et vivement une mise en scène de Carmen qui lui redonnera "...surtout, la chose enivrante : LA LIBERTÉ, LA LIBERTÉ !"

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