dimanche 29 janvier 2017

Quatuor Ebène, Lohengrin, Christian Gerhaher

Cette dernière semaine de janvier a été dense en représentations musicales puisque trois magnifiques performances nous étaient proposées. Trois soirées bien différentes mais toutes trois riches en émotion grâce au grand talent des interprètes.

Le Quatuor Ebène


Quatuor Ebène
au Studio 106 de la Maison de la Radio le 23 janvier 2017
pour l'enregistrement de l'émission de Stéphane Goldet
"Les plaisirs du quatuor"




Pour le public du Studio, archi-plein pour l'occasion, les Ebènes ont offert une interprétation de rêve dans le très beau programme toujours très savamment et très clairement commenté par sa productrice.

Le Quatuor à cordes n° 15 de Mozart, en ouverture. Léger, lumineux et enlevé. Ces quatre musiciens en font une pépite.

Puis, premier plat de résistance, le Quatuor à cordes n° 11, dit Quartetto serioso, de Beethoven. Dans cet opus fougueux et puissant, l'énergie des interprètes fait vibrer chacun de nous. En quatre mouvements ramassés, il n'excède pas une durée totale de vingt minutes. Mais quel talent dans ces vingt minutes là !

Enfin, le Quatuor à cordes de Ravel, en fa majeur, celui qui fit écrire à Ravel par Debussy : "Au nom des dieux de la musique, et au mien, ne touchez à rien de ce que vous avez écrit de votre Quatuor".
L'interprétation du Quatuor Ebène touche, là aussi, à des sommets et j'ai envie de paraphraser Debussy en leur disant : "Au nom des dieux de la musique et en mon nom, ne changez en rien votre interprétation de ce chef d'oeuvre !"

L'émission sera diffusée sur France Musique le 11 février. Ne la ratez pas, c'est un diamant !

Jonas Kaufmann - Lohengrin à Paris

Lohengrin de Richard Wagner
Opéra National de Paris, Bastille le 24 janvier 2017
Orchestre et Chœurs de l'Opéra National de Paris
Philippe Jordan, Claus Guth
Jonas Kaufmann, René Pape, Edith Haller,
Tomasz Konieczny, Evelyne Herlitzius, Egils Silins


Les fidèles lecteurs du blog le savent, j'attendais avec grande impatience cette production qui voyait le retour du ténor allemand Jonas Kaufmann, empêché de chanter pendant quatre mois pour raisons de santé.

Retour pleinement réussi même si le chanteur épargne à ses cordes vocales les trop fortes tensions de graves trop appuyés ou d'aigus trop claironnés. Durant deux actes, ce merveilleux technicien du chant nous transporte sur le son de piani murmurés qui parviennent à nos oreilles de façon miraculeusement audibles, parfaitement maîtrisés et bien timbrés. Un chant d'une folle élégance, impressionnant d'une nouvelle légèreté.

Et puis, au troisième acte, un inoubliable In fernem Land où les piani sont d'autant plus impalpables qu'ils côtoient des forte aux accents douloureux. Le récit du Graal, au legato ineffable et magnifique, nous convainc pleinement sur sa santé vocale retrouvée et sur le talent d'incarnation qui est le sien.

Un véritable grand bonheur !

Au côtés de ce Lohengrin flamboyant même sans armure, une distribution contrastée.
Martina Serafin, malade, était remplacée par Edith Haller. Voix puissante au timbre cuivré. Malheureusement, la soprano se jette sur ses aigus sans parvenir à les chanter convenablement. Une Elsa très (trop ?) discrète.

René Pape est un Roi Heinrich bien présent. On admire son beau timbre et son legato impressionnant.
Egils Silins, autre beau timbre sombre et vaillant est un Hérault tout à fait honnête.

Le couple Ortrud/Telramund est magnifique de noirceur, de lâcheté et de violence.
Thomasz Konieczny, remplaçant Wolfgang Koch malade, se sert intelligemment d'une voix très sonore et très ample pour incarner un Telramund à la fois brutal et pleutre.
Evelyne Herlitzius meuble d'une belle présence muette le premier acte. Le beau volume de sa voix, son timbre parfois rocailleux lui servent pour donner au personnage d'Ortrud, violemment amer, un rôle pivot.

Les Chœurs de l'Opéra de Paris sont, une fois encore, d'une précision et d'une superbe sonorité. Ils incarnent parfaitement toutes les subtilités de leur rôle et réalisent avec brio les déplacement imposés par la mise en scène.

Dans la fosse, Philippe Jordan réalise quant à lui des prouesses avec ce merveilleux Orchestre de l'Opéra qu'il a su amener à un niveau de talent et de virtuosité rares.
Dans le prélude, le son soyeux des cordes est exceptionnel, de même que celui des vents - les bois au II, un délice ! - et aussi le prélude du III, sonore et enlevé. On admire la délicatesse avec laquelle il soutient les chanteurs sans les couvrir, et l'élégante légèreté avec laquelle il emmène la partition dans son entier.

Une de ces soirées dont on garde la mémoire...

Gerold Huber & Christian Gerhaher

Christian Gerhaher, baryton
Gerold Huber, piano

Récital de lieder de Robert Schumann, Philharmonie II
le 27 janvier 2017




Dans la lignée du grand Fischer-Dieskau et avec Matthias Goerne, Christian Gerhaher est LE chanteur du lied par excellence et, plus particulièrement, des lieder de Schumann.

Autant le timbre de Goerne surprend par sa noirceur, autant celui de Gerhaher propose des sonorités presque ténorisantes. Mais pour être claire, sa voix n'en est pas moins colorée.
Les inflexions mélodiques donnent corps à un legato d'une grande stabilité ; la voix, sans être impressionnante est superbement modelée et projetée.
Tout au long de l'impressionnant programme qu'il nous délivre ce soir-là (pas moins de trente mélodies + deux bis), Christian Gerhaher parvient à nous captiver par une interprétation animée, émouvante et brillante de ces lieder de Schumann, certes musicalement forts et un peu âpres à mes oreilles.

Christian Gerhaher sait les habiller de nuances, d'atmosphères contrastées. La complicité avec son pianiste, Gerold Huber, attentif à répondre à toutes les nuances, installe d'emblée un dialogue d'une haute qualité.
Dans un grand souci de simplicité apparente, le travail des deux artistes sur les différentes ambiances, sur les couleurs variées et sur les mots mêmes de ces poèmes, est celui de deux orfèvres. L'un cisèle, l'autre polit et les atmosphères changent d'un cycle à l'autre.

Un grand moment de musique pure...


jeudi 19 janvier 2017

Récital Ludovic Tézier - Garnier 15 janvier 2017

Tellement dans l'impatience du retour de Jonas Kaufmann dans Lohengrin à Bastille (premières critiques très élogieuses...) que j'en oubliais presque le récital de Ludovic Tézier à Garnier qui ouvrait mon année lyrique ce dimanche.

Et pourtant, Ludovic Tézier figure en très bonne place dans mon Panthéon lyrique (il apparaît même dans "Les divas ont besoin d'amour..." mon premier livre que l'on peut se procurer sur, Amazon ou Fnac) tant j'apprécie son timbre sombre, l'ampleur et la sonorité de sa belle voix de baryton, son volume impressionnant et les qualités de legato qu'il déploie, en particulier dans les rôles verdiens.

Seulement là, ces magnifiques qualités de chanteur d'opéra accompli ne sont pas celles qu'il convient de posséder en bon interprète de lieder ou de mélodies françaises...

Car, si dans les lieder de Schubert ou de Schumann, on lui reconnaît une excellente prononciation de l'allemand, elle ne suffit pas à l'expression du style. Le timbre sombre et la densité vocale m'ont paru mieux convenir aux quatre lieder de Schumann, mais les variations d'intensité ne sont pas là, ou bien pas où il faudrait.

Chez Schubert, l'ensemble manque un peu de fluidité, de clarté, de nuances. Et dans l'ensemble de cette première partie, tout est chanté beaucoup trop lentement, ce qui en accentue encore les imperfections.

Quant à la jeune pianiste Thuy Anh Vuong, elle joue Schumann comme Schubert et Schubert comme Schumann...

A l'entracte, ce "premier plat" nous laisse sur notre faim. On se dit que les mélodies françaises à suivre nous rassasieront davantage. C'est sa langue maternelle, il la chante si bien à l'opéra...

Quel dommage ce choix des "Chansons de Don Quichotte" de Jacques Ibert, préférées à "Don Quichotte à Dulcinée" de Maurice Ravel ! Je suis presque sûre que la ligne ravelienne aurait mieux convenu à la vaillance  de notre baryton.

Et là encore, déception. Le phrasé est bon, de même que la prononciation, évidemment.

Mais aussi trop lent encore le tempo de "L'invitation au voyage" et de "La vie antérieure" de Duparc. Tout comme celui de "L'horizon chimérique" de Fauré et, surtout, des "Berceaux" dont on perd, du coup, le balancement.

Alors oui, il parvient au bout de ces longues phrases de manière impressionnante. Mais au détriment du style et de la prosodie.

Et à vouloir canaliser cette voix généreuse, Tézier en lâche sa technique vocale et dérape dangereusement par deux fois, dont une dans "L'ile inconnue" (une des Nuits d'été de Berlioz) et laisse la salle un peu perplexe et sans enthousiasme.

Heureusement, deux des trois bis vont nous restituer tout le talent de notre chanteur d'opéra : "Zueignung" de Richard Strauss et "La romance à l'étoile", extrait de Tannhäuser de Richard Wagner où notre baryton national retrouve toutes ses qualités.

Au piano, Thuy Anh Vuong a joué Duparc comme Ibert, Fauré comme Berlioz et Strauss comme Wagner...

Ludovic Tézier chantera Simon Boccanegra de Verdi le 12 mars prochain au Théâtre des Champs Elysées. Gageons qu'il déploiera là toutes ses nombreuses qualités pour le plus grand bonheur de ceux qui l'entendront.

jeudi 5 janvier 2017

Le dernier bond de Georges Prêtre

J'allais poster mes vœux pour cette année 2017, vous engager à écouter encore davantage de musique, à vous rendre dans les salles de concert, dans les maisons d'opéra... Et la nouvelle est tombée : le chef d'orchestre français Georges Prêtre s'est éteint à l'âge de 92 ans !

Alors, que dire lorsque la musique française perd le doyen de ses chefs ? Rien de plus que tous les articles qui lui sont consacrés dans la presse, sinon évoquer quelques souvenirs de concerts ou de spectacles lyriques qui m'ont laissé l'image du très bondissant Maître, de l'énergie qu'il transmettait à l'orchestre qu'il avait devant lui. Aussi de mes désapprobations sur tel ou tel tempo ou de mes emballements pour telle ou telle envolée passionnée. Impossible, en tout cas, de rester insensible à l'écoute d'une oeuvre dirigée par Prêtre ! La dernière fois que je l'ai vu, il bondissait encore sur l'estrade de la scène du Théâtre des Champs-Elysées où l'on fêtait ses 80 ans !



Revue de presse :

France Musique : https://www.francemusique.fr/musique-classique/le-chef-d-orchestre-francais-georges-pretre-est-decede-92-ans-31397

Le Monde : http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/01/04/le-chef-d-orchestre-francais-georges-pretre-qui-a-dirige-la-plupart-des-grands-orchestres-internationaux-est-mort_5057794_3382.html

Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/musique/2017/01/04/03006-20170104ARTFIG00341-mort-de-georges-pretre-la-symphonie-s-acheve.php

Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/musique/2017/01/05/03006-20170105ARTFIG00150-hommages-a-georges-pretre-le-plus-lumineux-des-chefs-d-orchestre.php

Culturebox : http://culturebox.francetvinfo.fr/opera-classique/musique-classique/le-grand-chef-d-orchestre-francais-georges-pretre-est-mort-250935

Alors je garde cette image dans ma mémoire et je l'imagine faisant des bonds de nuage en nuage et secouant de sa baguette énergique musiciens et chanteurs qu'il a retrouvés - Maria Callas en tête - au royaume de la musique !

Je vous souhaite tout de même à toutes et tous une année de bonheur, une bonne santé, beaucoup de plaisir(s), énormément de musique, de doux moments de partage, d'amour et d'amitié, de beaux voyages et un maximum de sérénité dans ces temps troublés et incertains.

A très bientôt pour quelques émotions sur "Lohengrin" avec (je l'espère !) le bô Jonas !!