mardi 11 octobre 2016

Du gris au bariolé, en passant par le rose dragée

4 octobre 2016 - Opéra Bastille

C'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé les subtilités musicales de Samson et Dalila (Camille Saint-Saëns) mardi soir à Bastille. Sous la baguette de Philippe Jordan, l'oeuvre a exposé sa palette de riches couleurs, toute sa sensualité et ses sonorités vibrantes dans la bacchanale du III, menée de manière vertigineuse.

Dans des registres variés et très différents, les interventions du chœur, en très grande forme, ont été absolument éblouissantes. Grâce en soit rendue à l'excellente préparation de son chef, José Luis Basso.

Le premier tableau se déroule dans un décor et des costumes grisâtres et l'on n'échappe pas à la sempiternelle intervention de soldats en treillis armés de mitraillettes. Un caisson en surplomb aux rideaux tirés derrière de grandes baies vitrées, révélera, à l'apparition de Dalila,  une chambre.

Le même caisson, ramené à niveau, meublera entièrement la scène au II. Dans ce repaire à l'éclairage tamisé, Dalila en déshabillé rose dragée attend Samson.

Au III, le caisson reprend sa place en fond, surélevé sur ses poteaux. Poussés par des figurants, des portants chargés de costumes rutilants et multicolores, offrent aux Philistins leurs déguisements sur le thème de l'antiquité romaine. Ainsi, la somptueuse bacchanale n'est plus qu'une mascarade trémoussante et vulgaire.




Dans ce décor mal planté, dû à Paolo Fantin, et ces costumes hors temps, le metteur en scène Damiano Michielletto sort le texte de la Bible, de la Palestine et ne le re-situe ni dans le temps, ni dans l'espace. Ainsi, ne le replaçant pas dans un autre contexte, il peine à intéresser et à faire s'incarner les personnages. Le récit devient banal et les faits anecdotiques.

Je n'ai pas réussi à comprendre pourquoi, des figurants aux chanteurs, chacun se vêt et se dévêt tout au long du spectacle ? Pourquoi, aussi, prêter les intentions de Dalila à Samson et vice versa (Samson se coupe lui-même les cheveux et c'est Dalila qui enflamme le temple...) ? A quoi servent les pseudo remords muets (forcément) de Dalila pendant l'air de la meule, sinon à marquer de sa "patte" cette création... ?

Quant à l'explosion finale, elle est plus proche du pétard mouillé que de l'embrasement ! L'utilisation de la vidéo n'aurait-elle pas permis, là, un effet plus saisissant ?

Mais venons-en à ce qui a fait de cette soirée une excellente soirée lyrique : les chanteurs.

Compliments, tout d'abord, à John Bernard, Luca Sannai et Jian-Hong Zhao, trois seconds rôles bien tenus.

La vaillance vocale de Nicolas Testé sied parfaitement à Abimeleh et la noblesse de la voix de Nicolas Cavallier enrichit le rôle du Vieillard Hébreu.



Le timbre cuivré de Egils Silins convient au Grand Prêtre en lui conférant toute l'autorité voulue.







D'Aleksandrs Antonenko, je retiens un air de la meule (acte III) plutôt bien interprété et où
transperçait quelque émotion. Pour le reste, je suis imperméable à ce type de voix, certes large, mais sans caractère. Au II, face à la déferlante de sa partenaire, il manque singulièrement de solidité.





Si je ne devais donner qu'une seule bonne raison d'aller voir Samson et Dalila, ce serait sans conteste pour entendre la sublime voix d'Anita Rachelishvili. La mezzo géorgienne se joue de l'étendue vocale requise pour ce rôle. Du plus grave au plus aigu, sa voix conserve le même grain, le même velouté et la même ampleur. Si, lorsque c'est nécessaire, le volume emplit largement la salle, la mezzo sait aussi charmer avec douceur et légèreté. Son "Printemps qui commence" au 1er acte ensorcelle l'auditoire.

Avec une pareille voix somptueuse, d'une si grande générosité dans le phrasé, il est très dommage d'avoir changé la panthère qui sommeille en Dalila en une vengeresse dépoitraillée et aguicheuse qui, de plus, ne sied guère à sa personnalité.

En résumé, encore un beau plateau servi dans de la vaisselle plastique !...

A suivre, le mois prochain, les Contes d'Hoffmann, sans le Bô-Jonas mis au repos forcé pour cause d'hématome sur une corde vocale... Pas de bol, pour nous mais, surtout, pour lui à qui je souhaite un rapide et complet rétablissement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire