J'ai pu assister, ces deux derniers mois, aux représentations du "Der Rosenkavalier" de Richard Strauss et au Concert symphonique de l'Orchestre de l'ONP, les deux à l'Opéra Bastille. Un "Tristan et Isolde" de Richard Wagner m'attira au Théâtre des Champs-Elysées et mes pas - ou plutôt le bus 70 - me menèrent souvent jusqu'à la Maison de la Radio pour l'enregistrement de deux "Portraits de Famille" avec Philippe Cassard et quatre "Plaisirs du Quatuor" de Stéphane Goldet.
Philippe Jordan |
Peter Rose |
Globalement pourtant, la prestation charme et laisse l'impression d'une agréable soirée. Le niveau des nombreux seconds rôles est excellent. Le couple d'intrigants (Dietmar Kerschbaum et Eve-Maud Hubeaux) intrigue à souhaits avec de belles voix. Faninal (Martin Gantner) est un peu "transparent" aux côtés d'un Baron Ochs (Peter Rose) qui tient toute la place tant par sa présence scénique que par ses qualités vocales.
Daniela Sindram |
Erin Morley |
L'Octavian de Daniela Sindram parvient à habiter suffisamment le personnage pour m'intéresser, grâce à une belle aisance vocale et scénique.
Michaela Kaune |
Restons à Bastille. Clôturant mon abonnement ONP, le concert symphonique de l'Orchestre emmené par son chef, Philippe Jordan.
En apéro, la symphonie n° 1 en Ré Majeur de Prokofiev "Classique". Le jeune compositeur (1916) rend hommage à Haydn avec cette partition qu'il écrit en pensant "que s'il avait vécu encore, Haydn aurait certainement agrémenté sa musique d'éléments nouveaux tout en conservant sa façon de composer".
D'abord surprise par la forme très classique, effectivement, de cette oeuvre, j'ai pris beaucoup de plaisir à en découvrir la clarté tonale des trois mouvements.
Philippe Jordan |
Alexandre Tharaud |
Après l'entracte, c'est la grande formation qui prenait place sur la scène pour une brillante interprétation des Tableaux d'une exposition dans l'orchestration de Maurice Ravel. Toutes les forces en présence nous ont véritablement emmenés tout au long de cette promenade picturale, rutilante et sonore. Ravel a probablement, réussi là à démontrer tout son talent d'orchestrateur. Les couleurs se succèdent, des cuivres (trompette magnifique) au bois en passant par les cordes voluptueuses, après des contours vers les cloches et clochettes, les sombres accents des contrebasses alliées au basson, les rythmes de la caisse claire et des timbales... Un feu d'artifice grandiose !
Daniele Gatti |
De très belles sonorités, une belle ampleur lyrique et beaucoup de souffle dans la direction du chef italien. Personnellement, je continue à trouver cette direction un peu trop lente et un brin pesante.
Côté chanteurs et jouant toujours de malchance, Rachel Nicholls remplaçait Emily Magee initialement prévue. Et dès le début, le timbre acide et rude de cette interprète m'a déplu. Un déplaisir qui s'est accentué au fur et à mesure, la puissance vocale ne compensant pas l'approximation de la justesse ni le tiraillement des aigus. Du coup, le finale a, pour moi, été presque insupportable et m'en a voilé les belles performances des autres interprètes. Mais peut-être que six représentations de ce rôle très lourd ont-elles élimé ses qualités.
Torsten Kerl est un Tristan convaincant dans le médium. Les graves sont cependant parfois enroués et il est à la peine dans les aigus, surtout après le second acte. La ligne de chant souffre un peu, probablement de la fatigue accumulée après cinq représentations.
Belles prestations de Steven Humes en Roi Marke tout en simplicité et de Brett Polegato en Kurwenal fidèle de Tristan, lumineux et vaillant. A l'inverse, Andrew Rees est un Melot percutant. Michelle Breedt ne parvient, malheureusement, pas à créer avec son timbre vulgaire, l'osmose attendue entre le chant de Brangäne et celui d'Isolde, trop acidulé ce soir-là.
La très esthétique mise en scène de Pierre Audi, relevée par les beaux clairs obscurs de Jean Kalman, nous aurait entièrement conquis si il avait su diriger ses chanteurs.
A noter que ces deux producteurs de France Musique nous réjouiront encore la saison prochaine, rescapés - pour notre plus grand bonheur - de la grande valse des programmes que la direction de la chaîne continue de pratiquer en ayant comme seul but l'audimat au détriment de la qualité de leur contenu qui s'effrite d'année en année. Exit ainsi, malheureusement, l'excellente "Matinale culturelle" de Vincent Josse que d'aucuns ont jugée trop culturelle et pas assez musicale et qui faisait de l'ombre à la matinale de France Culture tant elle était de qualité. J'imagine qu'elle sera remplacée par un bla bla inconsistant entre deux tranches de musiquette et où, surtout, on ne va pas "se prendre la tête !" au risque de s'enrichir un peu l'esprit... La tendance est en train de s'inverser et Radio Classique va finir par devenir plus consistante que France Musique ! Quelle tristesse !
Mais bon. Il nous reste Philippe Cassard, son piano et ses pianistes. Si l'on apprend moins qu'avec les "Notes du Traducteur", on s'enrichit néanmoins de la qualité des talents et des interprétations qu'il nous soumet chaque semaine dans "Portraits de Famille".
Lien pour réécouter les "Portraits de Famille" de Philippe Cassard.
Quant à Stéphane Goldet, c'est toujours avec une belle pertinence, un savoir prodigieux qu'elle nous propose, de sa belle voix douce et calme, la découverte de jeunes quatuors très talentueux et nous procure le bonheur d'entendre les talents confirmés des plus renommés d'entre eux. Mes connaissances dans ce domaine, peu exploré par moi, se sont grâce à Stéphane Goldet un peu étoffées et continueront à se développer la saison prochaine.
Lien pour réécouter les opus des "Plaisirs du Quatuor" de Stéphane Goldet.
Je souhaite à tous un bel été ensoleillé, joyeux et musical. Je tâcherai de vous donner mes impressions sur les retransmissions télévisées des festivals lyriques de l'été.
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