mercredi 10 avril 2013

Zao Wou-ki : le Maître des Espaces Vertigineux

Zao Wou-Ki à Paris en 2003
Ce Maître franco-chinois de l'abstraction lyrique, venu de sa Chine lointaine en 1948, a cessé de vivre hier, à 93 ans, en Suisse.

Zao Wou-Ki Portrait de femme - 1949
Né à Pékin le 1er février 1920, T'chao Wou-Ki est issu d'une famille d'intellectuels. La calligraphie habite son enfance et à quinze ans, il entre à l'Ecole des Beaux-Arts de Hangshou où, avec les techniques de la peinture à l'encre, il étudie l'art occidental. Mais l'académisme l'ennuie, il lui préfère l'impressionnisme, le fauvisme qui éclatent en Europe. Ce qu'il veut c'est  "juxtaposer des formes, les assembler pour qu'on y retrouve le souffle de l'air sur le calme de l'eau".

"La nécessité de quitter la Chine pour venir m'installer en France a été le premier geste chirurgical pratiqué sur ma propre culture pour commencer à régler définitivement le problème. C'était ça ou mourir"  Débarqué à Marseille après un mois de bateau, il prend le train pour Paris. Au chauffeur de taxi qui le charge à son arrivée, il n'indiquera que le seul mot français qu'il connaissait : "Montparnasse"

Dès son arrivée, il opte pour son pseudonyme "Zao Wou-Ki" et file au Louvre. Très vite, il s'entoure de nouveaux amis : Giacometti, Soulages, Henri Michaux... Il rend hommage à Matisse dans un de ses premiers tableaux. Pas encore familiarisé avec la langue française, il s'inscrit dans le mouvement qui porte les peintres de cette époque vers l'expérimentation de l'abstrait. En 1951, sa rencontre avec Paul Klee est déterminante. Le Maître l'invite "à déconstruire son style".
Zao Wou-Ki - Dyptique

Passionné d'art et de littérature, Zao Wou-Ki s'immerge très vite dans le milieu parisien mais n'en oublie pas pour autant ses racines chinoises, inscrivant des idéogrammes sur ses compositions où la couleur se déploie en espaces vertigineux.

C'est l'époque où sa peinture devient, comme il le dit lui-même "illisible", tendant vers "une écriture imaginaire, indéchiffrable".

Son ami Henri Michaux écrira, pour la préface d'une exposition à New York en 1952, que l'art de Zao Wou-Ki c'est : "Montrer en dissimulant, briser et faire trembler la ligne directe, tracer, en musant, les détours de la promenade et les pattes de mouche de l'esprit rêveur"
Zao Wou-Ki - Sans titre


A près de 90 ans, il réalise son oeuvre ultime en expérimentant un nouveaux talent artistique : des vitraux. Ceux du Prieuré de Saint-Cosme en Touraine que son ami, le poète français François Cheng, le convainc d'orner à l'encre de Chine.

Zao Wou-Ki Académicien


Mondialement célèbre, des rétrospectives lui sont consacrées tout au long de sa carrière et de nombreuses distinctions lui sont remises. En France, il reçoit la médaille de Grand Officier de la Légion d'Honneur des mains de Jacques Chirac et est élu à l'Académie des Arts et Lettres.




Il sera invité à revenir en Chine en 1983 pour y exposer à Pékin et Hangzhou. Il y retourne en 1985 pour enseigner et faire découvrir à ses élèves l'art occidental, auparavant prohibé.

Espérons que sur les cendres colorées du grand artiste Franco-Chinois, les héritiers cesseront leur polémique, survenue en 2012 quand son épouse, Françoise Marquet, décida de quitter le quartier de sa vie, Montparnasse, pour s'installer en Suisse. La bataille oppose en effet l'épouse à son beau-fils né d'un premier mariage et qui l'accuse d'avoir provoqué ce déménagement pour faire main basse sur l'oeuvre de l'artiste. Cette dernière, de son côté, invoque les meilleures conditions de soins que nécessite l'état de santé du peintre atteint d'Alzheimer.

Le Maître des Espaces Vertigineux méritait mieux, au soir de sa vie, que cette querelle familiale dictée par l'intérêt.
Zao Wou-Ki dans son atelier de "Montparnasse"


A Paris, on peut voir des oeuvres de Zao Wou-Ki principalement au Centre Pompidou et au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris.


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