samedi 13 avril 2013

Siegfried à Bastille - 11 avril 2013

"Petit garçon dans la cour des grands"
Siegfried et Fafner (Torsten Kerl et Peter Lobert)

J'ai recherché dans mes archives mes impressions sur la représentation de la première série du Ring concernant cette seconde journée. Je ne l'ai pas trouvée, ce qui tendrait à prouver que je n'en ai rien dit...

Quant à cette représentation de Siegfried, si elle ne me laissera pas un souvenir impérissable, elle aura au moins permis que je m'interroge sur le manque d'intérêt que continue de susciter, pour moi, cette seconde journée de la Tétralogie.

Car, en effet, il s'avère au fil des représentations déjà vues, que la musique de Richard Wagner n'entre, en définitive, que pour très peu dans mon imperméabilité - j'ai même ressenti jeudi soir, grâce à Jordan et à son orchestre, de belles émotions lyriques - mais que ce magnifique héros dont l'imagerie descend du fond des légendes nordiques et germaniques, ne parvient pas à me convaincre de son essence "humaine surnaturelle". Même pas au troisième acte lorsqu'il est atteint par les mystères de l'amour et de la peur.

J'ajouterais que mon désintérêt à son endroit n'est qu'un supplément à sa malchance. Car enfin, voici le petit-fils du dieu des dieux, conçu dans l'inceste par les jumeaux dudit Wotan et d'une terrienne, donc davantage divin qu'humain, et destiné à devenir le super héros chargé de toutes les qualités physiques (beauté, force, vitalité et héroïsme forcément) dans la tête duquel on a placé un petit pois ! Ses émois, ses réflexions, ses choix sont primaires. Sa solitude devrait émouvoir, elle énerve. Ses actions devraient être éclatantes, il n'hésite pas à éliminer, plutôt férocement, tout ce qui l'entoure, y compris son grand père - certes, il ne sait pas qu'il l'est, mais tout de même ! -. Sa bêtise me navre, et je lui préfère les turpitudes des Nibelungen et autres dragons.
Siegfried et Mime (Torsten Kerl et Wolfgang Ablinger-Sperrhacke)

Que penser donc, de ce modèle auquel s'est identifiée toute une génération en Allemagne ?

Je comprends mal, enfin, que Brunehilde, la vierge courageuse de la première journée, quitte sa condition de divinité pour convoler avec cet énergumène naïf, certes séduisant et brave, mais dont la simplicité ne peut que la conduire à sa perte. Il en est malheureusement des personnages d'opéra comme des êtres qui nous entourent, on ne comprend pas toujours leurs motivations... 

Il est bien évident que la mise en scène ridiculement réductrice de Günter Krämer, en grossissant les effets, en maintenant Torsten Kerl dans cet infantilisme jusqu'au bout, en déguisant Mime en vieil homo des années soixante-dix, n'aide pas vraiment à élever le débat.

Qu'à cela ne tienne, je ne manquerai en aucune façon la troisième et ultime journée qui verra l'effondrement de la puissance divine !

Pour en revenir à cette représentation de jeudi, elle doit comme je l'ai dit plus haut, toute sa force de persuasion à son directeur musical, Philippe Jordan, et au merveilleux orchestre de l'Opéra de Paris qui ont produit des sonorités merveilleuses de cette partition, une clarté, un moelleux, une sensualité qui nous ont enchantés, particulièrement au cours du prélude et pendant le duo du dernier acte.

Côté chanteurs, Egils Silins (le Voyageur-Wotan), souffrant, a tenu à assurer sa participation, ce qui est courageux mais, avec des moyens très amoindris, ce qui s'est surtout ressenti dans les actes II et III. 
Egils Silins et Peter Sidhom (Le Voyageur et Alberich)

Pas de miracle non plus du côté de Torsten Kerl (Siegfried) qui chante avec style mais dont le beau timbre de ténor est par trop faible, presque absent dans le médium, et qui ne retrouve un peu de vaillance vocale que dans le suraigu. 

Les deux "Peter" - Sidhom (Alberich) et Lobert (Fafner) sont excellents vocalement et scéniquement.

Contrairement à son partenaire, Alwyn Mellor (Brunehilde) passe facilement l'orchestre et emplit Bastille de sa puissante voix. Son chant n'est pas pour autant dénué d'imperfections dans les aigus, souvent à l'arrachée, criés ni dans la justesse quelquefois approximative.

Qiu Lin Zhang est toujours, en dépit du vibrato, la magnifique Erda que son contralto déploie avec aisance.
Siegfried - Mime (Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Le triomphateur de ce plateau reste, sans conteste, le ténor Wolfgang Ablinger-Sperrhacke dans le rôle de Mime. La voix est exactement celle qui convient à cette tessiture singulière. Quant à sa prouesse scénique, elle est époustouflante de drôlerie, de justesse dans les déplacements, les mimiques et les gestes. Si, comme je l'ai dit, on peut souhaiter un Mime plus tortueux, plus noir, ce qu'il réalise ici en suivant, j'imagine, la direction d'acteur indiquée par Krämer, est assez prodigieux.

Globalement, j'ai ressenti une fatigue certaine de tous les chanteurs. La série est resserrée, les rôles lourds pour certains et la saison déjà bien avancée.


Rendez-vous en juin pour la suite du feuilleton...
















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