Impossible pour moi de rendre compte d'une soirée lyrique sans vous parler, d'abord, de ma tristesse à l'annonce du décès du ténor franco-australien,
Albert Lance, qui fut à l'origine de beaucoup de mes émotions musicales au moment où je découvrais les oeuvres du répertoire en étant figurante à l'Opéra Comique.
De son vrai nom Lancelot, Albert Ingram, Albert Lance était né en 1925 à Adélaïde (Australie). Il débute sa carrière à Melbourne au début des années 50.
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Albert Lance et Roger Soyer |
Il s'installe à Paris où il est engagé en 1955 dans la troupe de la RTLN (Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux). Il prend alors le pseudonyme d'Albert Lance et chante tous les grands rôles du répertoire :
Hoffmann,
Werther,
Mario,
Don José,
Jean (Hérodiade),
Rodolphe (La Bohème),
Paillasse,
Enée (Les Toyens),
Faust (La Damnation de Faust),
Hérode (Salomé)...
Parallèlement à sa carrière française, il se produit à Londres, Moscou, San Francisco, au Brésil et en Argentine. Il reçoit sa nationalité Française des mains du Général de Gaulle en 1967.
Après l'arrivée de Rolf Lieberman, il entre dans la troupe de l'Opéra du Rhin d'où il prendra sa retraite en 1977.
Retiré dans le midi, il enseigne au Conservatoire de Nice puis à celui d'Antibes.
Albert Lance s'est éteint le 15 mai dernier à l'âge de 86 ans. Merci à lui pour toutes les joies qu'il aura suscitées par son talent, ses aigus sans faille et toute la gentillesse dont il savait faire preuve avec ses collègues et avec son public qui, je m'en souviens, le lui rendait bien.
Récital de mélodies par Marie-Nicole Lemieux, Roger Vignoles au piano
Auditorium du Musée d'Orsay le 16 mai 2013
On connait la pétulante alto Québécoise, Marie-Nicole Lemieux, dans ses grands rôles à l'Opéra : Giulio Cesare de Händel, Mrs Quickly dans Falstaff de Verdi (récemment à Paris)... Les salles du monde entier se l'arrachent, ses enregistrements font un tabac dans les hit parade du classique... Bref, on s'attendait à beaucoup de bonheur pour ce récital de mélodies, façon salon de musique XIXème siècle.
Et la voilà, imposante stature, robe d'un vert mal défini ornée de dentelles, pas follement élégante, chevelure rousse, allure décidée et physionomie joviale. Elle accroche son bracelet dans ses dentelles et elle rit... Un spectateur se déplace juste dans sa concentration à la reprise, elle s’interrompt, attend et rit ! Il faut reprendre la concentration. Marie-Nicole Lemieux telle qu'on l'attendait en somme...
Et c'est parti, avec Fauré auquel succède Reynaldo Hahn. Beau phrasé, parfaite diction. Et puis ? Et puis, j'y viens. Mais un petit préambule est nécessaire. M.N. Lemieux est dotée d'une très grande voix ; on s'en rend d'autant mieux compte dans cet auditorium de trois ou quatre cents places où ce volume généreux, ample et velouté, nous atteint directement dès les premières notes et qui se déploie pour emplir l'air du lieu dès qu'une phrase permet à la chanteuse de lâcher les chevaux ! Moi, j'adore ! Mais j'ai de suite pensé aux puristes : trop de volume, trop d'effets, trop de lyrisme, trop de chant, trop... de tout !
Mais que l'on ne pense pas pour autant que le style n'y est pas. Il est là avec de magnifiques phrases en apnée, beaucoup de musicalité, une très belle articulation. Et ce timbre chaud, velouté, coloré, des aigus flamboyants, des graves profonds, de la clarté et de l'expression...
Les "Five little songs" sur des poèmes en anglais de Robert Louis Stevenson mis en musique par R. Hahn sont cinq pépites heureuses dans ce récital francophone.
Après l'entracte - et le placement tardif d'un spectateur - ce sont cinq belles mélodies de Charles Koechlin et, pour finir en beauté, cinq des plus belles mélodies de Henri Duparc. Du miel dans l'extase...
Dans les bis, La Villanelle des Nuits d'été de Berlioz, enlevée et rieuse. Et parce que (je cite) "on n'avait pas prévu autant de bis... Espérons que ce sera aussi bien que la 1ère fois (rire) ou bien très différent, qui sait ?" elle reprend "Après un rêve" de Fauré. C'était aussi bien, sinon mieux...
Un mot sur l'excellent accompagnateur qu'est Roger Vignoles, entendu l'an passé au Wigmore Hall de Londres où il accompagnait Bernarda Fink et et Martina Jankova. Son jeu est dans l'esprit, toujours attentif, soulignant le chant et donnant tout leur poids aux partitions très riches de Fauré et de Duparc. C'était une première collaboration comme nous le confiera Marie-Nicole (et oui, ça y est on est copines...). Il pourrait y en avoir d'autres (des collaborations, pas des copines).
Merci à l'impétueuse chanteuse venue des terres francophones lointaines avec tout son talent.