jeudi 20 novembre 2025

Data center et autres fadaises

Wotan/Elon mène la danse macabre de la première journée de la Tétralogie de Richard Wagner à Bastille.

Calixto Bieito loge en effet le dieu des dieux dans un datacenter où l’IA et les robots dirigent les survivants de l’apocalypse qui ne sortent plus sans masque à gaz ni bouteille d’oxygène car l'explosion a eu lieu… Pourquoi pas ?... sauf que les invraisemblances, les décors et costumes moches et les parti-pris plus ou moins douteux dans lesquels se perd le narratif du metteur en scène n'apportent que la colère et le rire. Vous l’avez compris, je ne sauverai sous aucun prétexte la production scénique de cette Walkyrie.

En revanche, gloire à la musique et aux interprètes !

Avec Pablo Heras-Casado, l’orchestre de l’ONP est maintenu, même s’il parvient à le faire sonner dans les grands élans wagnériens. Il se perd un peu dans des délicatesses moins bien maîtrisées par moment, avec un peu de lenteur aussi.

La Fricka de Ève-Maud Hubeaux défend les lois de la famille avec un beau mezzo ample et très sûr.


Günther Groissböck a toute la mâle assurance d’un Hunding maître chez lui et revanchard. Elle voix sonore et bien colorée.

Tamara Wilson, bien qu’affublée d’une robe à crinoline vaporeuse et arrivant sur un bâton-cheval, vite transformée en catcheuse, rend une très belle incarnation à Brünnhilde. D’un bout à l’autre de la tessiture, la voix conserve son timbre lumineux jusque dans les suraigus.

James Rutheford, remplaçant, n’a pas toutes la présence d’un grand Wotan. Il ne parvient que difficilement à nous émouvoir dans ses adieux à sa fille chérie. Il faut reconnaître que dans le naufrage de la mise en scène, la tâche est immense !

Elsa van d’en Heever nous offre une Sieglinde enfiévrée d’amour pour son jumeau. Beaucoup de critiques l’ont encensée. Personnellement, je trouve la voix très belle, le timbre chaleureux dans toute sa tessiture haute. Je remarque quelques faiblesses dans le médium et le grave qui ne passent pas la fosse. En revanche son engagement scénique est absolu.


Pour ce qui me concerne, la palme de cette soirée revient, incontestablement, au ténor français Stanislas de Barbeyrac. Ce chanteur est passé, avec le même talent et le même bonheur, d’un grand ténor mozartien à un superbe ténor wagnérien. Le phrasé, l’ampleur, l’étendue vocale, le souffle, la chaleur du timbre… alliés à une présence, une incarnation et une émotion incroyables en font un Siegmund de grande classe. Je n’avais pas idée que ce chanteur que j’ai vu débuter dans Tamino deviendrait ce magnifique Heldenténor. Et là, les critiques sont unanimes !!!