J'ai beau essayer, je ne parviens pas à modérer le courroux qui m'a envahie mardi soir en assistant à la représentation de Lohengrin à l'Opéra Bastille.
Ce vif sentiment de colère n'a cessé de monter en moi au fur et à mesure que je subissais la mise en scène de l'opéra de Richard Wagner, réalisée par Kirill Serebrennikov. Dès les premières mesures du Prélude où la légère harmonie des violons et des flûtes est censée nous élever dans un monde apaisé, loin des réalités, il nous est infligé la virulence d'images vidéo de combats guerriers, les mêmes qui déferlent actuellement dans nos journaux télévisés...
On a, j'ai depuis longtemps maintenant, pris mon parti des "relectures" que nous imposent des metteurs en scène à l'opéra. Tant que mon confort d'écoute n'est pas perturbé, j'y suis indifférente. Que l'action scénique ne soit pas l'action du récit (et c'est parfois très réussi) est devenu chose tellement courante qu'on, que je n'y prête plus attention. Tant que je peux jouir du talent des chanteurs et de l'orchestre, je néglige les élucubrations scéniques. J'ai, sans avoir eu besoin de l'explication de texte recommandée avant spectacle, compris que cette pauvre Elsa (déjà pas l'héroïne la plus folichonne de l'œuvre du compositeur) avait perdu toute raison et, de ce fait, était prête à se faire embobiner par la méchante Ortrud, transformée en infirmière psychiatrique.
Là où c'est problématique, c'est lorsque l'agitation perpétuelle (vidéos sur panneau supérieur, triplement des personnages par des danseurs en mouvement permanent, déplacements d'une zone à l'autre - il y en a 4 -) des personnages dans tous les coins de la scène, cette agitation, donc, exerce une tyrannie telle que l'esprit, trop sollicité, ne peut plus écouter la musique. Il l'entend, en fond sonore, comme au supermarché. Quant au texte, si important chez Wagner et à moins d'en comprendre parfaitement chaque mot en allemand, il est tellement déconnecté du contexte qu'on n'en a plus rien à faire puisqu'on ne peut trouver le temps de le lire...
Le deuxième acte casse le propos initial en ne traitant que l'obsession du metteur en scène pour la guerre. Il reste 3 zones : une pour les soldats valides, une pour les blessés de guerre, la dernière pour les morts dont les corps nus se lèvent pour rejoindre on ne sait quel abîme.
Après ces deux actes surchargés, le dernier ne pouvait être que "plat". D'autant que son dénouement n'appelle qu'à un grand calme qui nous ramène au propos originel. On peut, je peux enfin entendre et écouter Piotr Beczala nous révéler, merveilleusement, l'identité de Lohengrin !
Je rends hommage à tous les chanteurs qui ont, tant bien que mal, réussi à distiller
un peu d'émotion dans tout ce fatras indigeste d'images et d'animation. Grâce soit rendue, aussi, à l'Orchestre de l'Opéra de Paris, d'avoir si bien "accompagné", sous la baguette d'Alexander Soddy, cette débauche de grandes manœuvres.