B et B ne sont pas que les initiales de Bed and Breakfast. Ce sont aussi celles de Béatrice et Bénédict, couple chamailleur sorti de la pièce de Shakespeare "Beaucoup de bruit pour rien" d'où Hector Berlioz tire cette plaisante comédie. Créé en 1862 à Baden Baden (tiens, deux B encore !), l'opéra étonna positivement les critiques plutôt rébarbatifs aux sonorités plus éclatantes du compositeurs.
A Garnier ce 24 mars, l'oeuvre est représentée dans une version concert. Les scènes extraites de la pièce par Berlioz ne prêtent pas à un développement scénique convaincant et il est d'ailleurs difficile, malgré les textes intercalaires dits par des comédiens - et ici très bien dits par Didier Sandre - de s'y retrouver et on se perd vite dans cette drôle d'histoire.
L'équipe formée par Stephen Taylor, Nathalie Prats aux costumes et Christian Pinaud aux lumières, a très joliment et judicieusement mis l'ensemble en espace, avec simplicité et élégance.
Notre Directeur Musical préféré, Philippe Jordan, emmenait les forces orchestrales et chorales de l'Opéra National de Paris, toujours aussi performantes, avec le talent qu'on lui connaît et reconnaît. La riche orchestration berliozienne - cuivres et bois aux belles sonorités - a été largement mise en valeur lors de cette soirée.
Pour cette représentation unique, l'Opéra de Paris avait réuni une distribution brillante qui a été à la hauteur de ce qu'elle promettait. Cent pour cent française lors de la programmation, le ténor américain Paul Appleby comblait la défection de Stanislas de Barbeyrac souffrant.
Paul Appleby |
Stéphanie d'Oustrac - Paul Appleby |
Pour le reste, chacun était à sa place et, vocalement, en place dans son rôle. François Lis et Florian Sempey, respectivement Don Pedro et Claudio, ont été bien présents vocalement et scéniquement.
A noter l'intervention stupéfiante de Laurent Naouri en Somarone, superbement cocasse et nous servant "Le vin de Syracuse" de manière éclatante.
Laurent Naouri - Sabine Devieilhe - Philippe Jordan |
Dans le sublime duo nocturne avec Ursule, le timbre chaud de Aude Extrémo se mêle si harmonieusement à la fluidité de celui de Sabine Devieilhe que l'on est transporté comme par magie.
Et lorsqu'un peu plus tard, Stéphanie d'Oustrac ajoute sa note plus cuivrée dans le trio, on retient de nouveau son souffle sur ces instants suspendus.
Stéphanie d'Oustrac a, par ailleurs, bien servi vocalement ce rôle ingrat, si bizarrement écrit. Scéniquement, elle fut parfaite de présence passionnée.
Sabine Devieilhe - Philippe Jordan - Stéphanie d'Oustrac |
Aux Plaisirs du Quatuor - émission à venir le 8 avril à 16 h - nous avons assisté au 106, à deux grands moments musicaux - encore ! Merci Stéphane Goldet !
Grâce aux quatre musiciens du Quatuor Danel, le meilleur du Quatuor n° 8 de Chostakovitch fut un régal ! Magnifique ! Puis Claire Désert les a rejoint pour un Quintette en sol mineur avec piano du même Chostakovitch, superbement interprété. Ne manquez pas l'écoute ou la réécoute sur France Musique
Et le samedi suivant, nous prenions place dans le joli théâtre de Fontainebleau pour le concert de scènes d'opéra que donnent, désormais chaque année, les élèves de la Guildhall School of Music et Drama de Londres.
Le choix, très éclectique, des extraits proposés doit permettre d'apprécier les capacités des jeunes chanteurs dans une large palette de styles musicaux. Le niveau des interprètes est toujours très élevé et j'ai aimé la richesse de leurs qualités : respect des textes et du style, bel engagement, volume et ampleurs des voix.
Si le "cru" de cette année nous a semblé moins affûté que l'an passé, sans doute le doit-on au mauvais choix des extraits proposés. Il a été bon pour Hansel et Gretel (acte I) qui a permis aux quatre interprètes de s'exprimer pleinement, de même que pour le trio féminin de Béatrice et Bénédict.
En revanche, les extraits de L'heure espagnole, La Gioconda, Don Giovanni, The Turn of the screw et Cosi fan tutte, trop courts et/ou aux scènes mal assemblées, ont eu du mal à nous procurer une réelle émotion. Ajoutons à cela la très mauvaise option de terminer le spectacle par la sinistre scène 12 de Guerre et Paix, lugubre et accablant tableau sur une musique difficile - encore plus sans les couleurs d'orchestre. Maladresse de jeunesse non corrigée par les professeurs.
Nous les retrouverons cet été, pendant leur stage bellifontain au cours duquel ils nous présenteront peut-être des morceaux plus choisis.
Théâtre Municipal de Fontainebleau |