Cependant, après les larmes du triste réveil qui fut le nôtre le samedi 14, c'est avec beaucoup de volonté résistante que nous avons travaillé nos airs (Donde lieta usci..., Ô Paris, gai séjour... et autres mélodies légères) et déchiffré, dès le dimanche après-midi, le choeur d'entrée de La Vie Parisienne.
Une manière d'affirmer notre attachement à Paris, magnifique ville lumière, ville de fêtes, ville d'ambiances et de plaisirs mais, aussi, ville de solidarité, ville de résistance et d'accueil, ville d'insurrection et de mobilisation qui ne s'en laissera jamais conter par quelque organisation terroriste que ce soit ni par quelque dictature religio-politique que ce soit.
Alors, amis parisiens, ne vous laissez pas gagner par la peur. Sortez ! Allez boire un verre aux terrasses des cafés, rendez-vous au théâtre, au ciné, à l'opéra, dans les music'hall et les musées... Vous avez la chance d'avoir à portée de vos yeux et de vos oreilles le meilleur de la culture et du divertissement. Alors, profitez-en !!!
Nos instances gouvernementales ont déclaré la guerre à Daech. Très bien. Menons notre guerre contre l'intolérance et l'obscurantisme, la violence abêtissante et stérile et les croyances d'un autre âge. Défendons, au jour le jour, les fondements de notre culture et ce bien si précieux : NOTRE LIBERTÉ !
Je résistai donc, mercredi soir, dans la salle de l'Opéra Bastille. Et je constatai, avec bonheur, que nous étions fort nombreux à nous rebeller, la salle étant pleine. Il faut dire que l'affiche très séduisante nous conviait à assister à cette reprise de "L'Elisir d'Amore" de Gaetano Donizetti dans la mise en scène de Laurent Pelly avec le couple lyrique nouvellement marié : Roberto et Aleksandra.
Aleksandra Kurzak et Roberto Alagna |
Premier jour de reprise après le drame du week end, Stéphane Lissner prononça quelques mots et fit observer une minute de silence qui en fut une véritable et très impressionnante. Après quoi, orchestre, choeur et solistes entonnèrent La Marseillaise.
A. Kurzak, R. Alagna, Mario Cassi, Ambrogio Maestri |
Et puis, place à la musique ! Celle, enthousiasmante, de Donizetti. Dans la mise en scène pétillante et colorée de Pelly, les deux tourtereaux ont su être fringants, légers et primesautiers.
Joli timbre d'Aleksandra Kurzak qui prête son joli minois à Adina. Voix pas très volumineuse mais bien projetée aux aigus parfois difficiles.
Le Belcore est servi par Mario Cassi avec un beau timbre de baryton mais qui manque un peu d'assurance.
Ambrogio Maestri est un Dottor Dulcamara vocalement parfait et scéniquement truculent à souhaits.
Ambrogio Maestri et Roberto Alagna |
Bonne prestation de Mélissa Petit dans le rôle, court mais important, de Giannetta.
Quant à notre Roberto, il est superbe ! Bien dans sa tête, heureux dans sa vie, lumineux dans sa voix. Sautant, bondissant, alerte et vif comme un jeune homme, il se joue des difficultés et semble s'amuser beaucoup. Il chante le très bel air "Una furtiva lacrima" avec un legato et un phrasé incomparables. Il remplace la légèreté lumineuse de ses débuts par une coloration plus charnue et plus ample de son timbre qui alourdit à peine la mélodie en lui donnant une nouvelle consistance plus opulente. C'était très beau et le public ne s'y est pas trompé qui lui fit une ovation.
Choeur et orchestre impeccables, direction honnête.
Dans les retransmissions du MET de cette saison, nous avons eu droit hier soir à la nouvelle production de Lulu d'Alban Berg.
Oeuvre sombre et difficile que cet opéra créé en 1937 en Suisse. Ce fut une grande soirée d'opéra à laquelle ont assisté les spectateurs courageux de l'Ermitage à Fontainebleau, dans une très créative mise en scène de William Kentridge qui évolue sur fond de multiples dessins qui se créent en vidéo sous nos yeux, les chanteurs en costume années 30 colorés (vert pomme...) évoluent dans des décors Art Déco à la fois minimalistes et grandioses (table, chaise, canapé, échelle, escalier...), l'ensemble restant d'un grand esthétisme ; j'en retiendrai la formidable direction d'acteurs de tous les chanteurs, expressifs, concernés, convaincants.
La direction musicale est confiée à Lothar Koenigs et je n'oserais rien en dire sinon qu'elle m'a semblée très bonne.
Pour la ditribution, en revanche, j'ose me prononcer. Tous les rôles furent parfaitement chantés : Franz Grundheber, Johan Reuter, Paul Groves, Daniel Brenna, Susan Graham ont donné le meilleur d'eux-même dans cette difficile partition.
Quant à Marlis Petersen, elle est une Lulu absolument magnifique, tant vocalement que scéniquement. Belle, sensuelle, attachante et crispante tout à la fois, elle chante, à moitié nue tout au long de la représentation, ce rôle si lourd et si tendu, sans une faille. Un grand BRAVO ! et merci au MET pour cette retransmission.