lundi 10 août 2015

Elèves de la Guildhall School à Fontainebleau

Un petit mot sur les deux soirées de samedis où les élèves de cette célèbre école londonienne Guildhall School nous ont donné quelques extraits de leur talent.
Thomas Atkins et Szymon Wach
Et du talent, ils en ont ! Que ce soit dans la mélodie, objet de leur première prestation. Que ce soit les grands mélodistes français (Poulenc, Fauré...), la mélodie selon Britten ou celle du compositeur "maison", Lliam Paterson, tous (sopranos, mezzo-sopranos, barytons et ténor) nous ont ravi les oreilles de belles sonorités, de parfaites lignes de chant, une bonne articulation du français, bref, de très belles voix !

Thomas Atkins


A noter, tout de même, que si tous sont déjà prêts pour affronter les publics les plus exigeants, le ténor Thomas Atkins - retenez bien ce nom, je pense qu'on en entendra parler rapidement... - possède toutes les qualités d'un déjà magnifique chanteur : le timbre, le phrasé, la stabilité, la présence, l'ampleur et le volume...





Le second concert de ce samedi nous emportait vers d'étranges et dangereuses Liaisons. Deux extraits d'opéra puisés dans le Répertoire : Donizetti et son Elisir d'amore et Puccini avec Madama Betterfly. Thomas Atkins s'y est illustré avec le même bonheur, aidé en cela par le baryton Szymon Wach qui devrait, lui aussi, faire une belle carrière. Laura Ruhi-Vidal (soprano) et Katarzyna Balejko (mezzo) complétaient très talentueusement ces extraits.

Le ténor et professeur, Adrian Thompson, a chanté des mélodies du compositeur britanique Stephen McNeff, contemporain. En duo avec Kathleen Brett, ils ont interprété une cantate du même compositeur sur un texte du poète anglais John Milton.
Laura Ruhi-Vidal et Thomas Atkins
En seconde partie, après la scène d'entrée de Butterfly, les chanteurs nous ont représenté une composition compilée de Stephen McNeff, Laurence Osborn et Lliam Paterson, concoctée spécialement pour l'occasion sur Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Si l'ensemble ne m'a pas totalement convaincue, j'ai cependant passé une excellente soirée lyrique où j'ai pu apprécier à leur juste valeur de jeunes artistes lyriques qui, j'en suis persuadée, vont faire de belles carrières ! Voici leurs noms : Lizzie Karani, Chloe Treharne, Lauren Zolezzi, Thomas Atkins, Martin Haessler, Katarzyna Balejko, Szymon Wach, Laura Ruhi-Vidal. Au piano pour les accompagner  Matteo Oberto, Dominic Wheeler, Christopher Ma et Lliam Paterson (également compositeur).

Thomas Atkins et Szymon Wach

vendredi 7 août 2015

Le Trouvère à Orange le 4 août 2015 - Retransmission télévisée

Chrorégies d'Orange 2015 - Le Trouvère
Inspiré d'un drame espagnol de A.G. Gutiérrez, le livret touffu du Touvère n'a, en réalité, que peu d'importance. Comme tout bon opéra bel-cantiste, le récit ne s'éclaire qu'à la lumière des airs, duos, trios et autres choeurs qui se succèdent jusqu'au bout du drame.

Tout, ou presque, est dit dans le préambule chanté au le début de l'oeuvre par Ferrando. Il n'y a plus qu'à suivre les évènements qui se succèdent au fur et à mesure que le drame se déroule. Pour cela, Verdi compose un opéra vif, fougueux même, avec des mélodies passionnées et dont la spontanéité nous émeut. Le mouvement est constant et il se passe toujours quelque chose. C'est un opéra populaire dans le meilleur sens du terme.

La mise en scène de Charles Roubaud ne déconcerte pas le spectateur des gradins d'Orange. En revanche, au petit écran (et le mien est vraiment petit...), on perçoit mal, filtrés par l'oeil des caméras, les déplacements d'ensembles ce qui nous la rend quasi inexistante. En revanche, la direction d'acteurs montre toute sa pauvreté par le truchement de ce même filtre. Chacun fait ce qu'il peut, comme il peut. Certains chanteurs parviennent à être convaincants (Lemieux, Alagna), les autres se contentent de chanter et parviennent difficilement à nous émouvoir.





Bertrand de Billy emmène orchestre et plateau dans les envolées lyriques souhaitées et imprime une belle délicatesse aux arias mélodieux. Sa direction est précise et ne sombre jamais dans le clinquant.








Il manque encore un petit quelque chose que je ne parviens pas à définir - ne l'ayant jamais entendu en direct - à Nicolas Testé (Ferrando) pour démontrer toutes ses qualités. Le timbre est chaleureux, le style parfait et la prestance élégante. Cependant, une sorte de réserve semble retenir à la fois l'expressivité et la projection vocale. Mais beaucoup d'espoirs sont permis à cette jeune voix de basse.







Mardi soir, le roumain George Petean a trébuché sur son air d'entrée. Heureusement pour nous - et pour lui - son timbre et sa ligne de chant, alliés à un pur style de baryton verdien, lui ont permis de nous offrir une magnifique interprétation vocale du Conte de Luna. Sa crédibilité scénique reste à démontrer.




De retour dans l'Hexagone après une absence prolongée hors des scènes européennes, la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux maîtrise encore mieux que l'an passé à Salzbourg ce rôle très lourd, fondamental dans l'opéra puisque tout tourne autour de ce personnage violent et enfiévré.


On connaît l'étendue de cette voix. Les graves sont profonds et les aigus restent faciles et bien en place. Elle incarne avec panache une Azucena perdue et éperdue, aimante et furieuse, blessée et vengeresse.

La soprano chinoise Hui He est très belle. L'émission semble puissante et le registre ample. Le style n'est pas parfait mais de très belles réussites techniques s'en approchent étroitement. Reste une justesse approximative dans les duos et ensembles ainsi que quelques commas (intervalle très petit dans la division d'un ton) manquants dans certains aigus. Peu d'émotion passe jusqu'à nous.

J'en viens à notre Trouvère national, Roberto Alagna. Beaucoup de plumes agressives se sont encore exprimées négativement après sa prestation. Envieux, irascibles ou malentendants, tous ces teneurs de stylo belliqueux peuvent bien se déchaîner, il n'en demeure pas moins que Roberto Alagna est, encore et toujours, un magnifique ténor dont le timbre précieux et ensoleillé illumine ce rôle. Sa magnifique ligne de chant, sa projection et son articulation inimitables, sa belle et vive allure imprime au rôle une incandescence naturelle qui façonne un personnage vaillant et chaleureux. Par lui, on est ému.



portée 2 octaves
Maintenant, si on ne l'écoute que pour l'entendre "coincer" le contre-ut (do au-dessus de la portée) du "Di quella pira" et pouvoir dire qu'il ne peut plus chanter, c'est réduire l'opéra à une séance de sauts à la perche où Renaud Lavillenie aurait raté la barre à 6,20 m ! J'apprécie beaucoup l'athlète mais ma passion pour l'art lyrique va au-delà du contre-ut et s'intéresse en profondeur aux qualités des interprètes.

VIVA VERDI !!!