Non, je ne vais pas vous parler de météo...
Dernière représentation de la production de "Arabella" à l'Opéra Bastille ce mardi 9 juillet où, par ailleurs, France 2 retransmettait "La Bohème" de Puccini en direct des Chorégies d'Orange.
Richard Strauss termine la composition de Arabella alors que son librettiste (Hugo von Hofmannsthal) n'est plus de ce monde depuis 1929. La création a lieu à Dresde en 1933 et est immédiatement bien accueillie. L'intrigue en est à la fois simple et touffue : une jeune fille fait languir maints soupirants en attendant le grand Amour. Sa famille, ruinée, a travesti sa soeur cadette en garçon afin de pouvoir mieux marier l'aînée dans l'espoir de redorer son blason. Ayant pris connaissance d'un courrier destiné à son défunt père et du portrait d'Arabella qui y était joint, Mandryka - hypnotisé par l'image d'Arabella - débarque à Vienne de ses Carpathes natales. Dès leur mise en présence, l'Amour illumine les deux personnages, cependant qu'un des soupirants, Matteo, se lamente et se confie à Zdenka qu'il croit son meilleur ami. Cette dernière, amoureuse de cet "ami très cher", s'offrira à lui en se faisant passer pour sa soeur. Quiproquo qui jettera la confusion la plus totale dans l'action jusqu'à un dénouement heureux de l'affaire ; assez rare à l'opéra pour être signalé.
Musicalement, l'oeuvre de Richard Strauss tient du "Rosenkavalier" et de "Ariadne auf Naxos". Une belle partition admirablement dirigée par Philippe Jordan qui tiendra son orchestre sous boisseau, dans la légèreté, toute la première partie et libérera les subtilités plus sonores dans la seconde, avec un beau lyrisme.
Marco Arturo Marelli plante un beau décor aux tonalités bleutée, assorties aux robes de l'héroïne. La piste tournante et les ouvertures diverses offriront autant de passages aux protagonistes pour les nombreuses entrées/sorties de scène. Débarrassé des clinquants accessoires XVIIIème, l'espace laisse le champ à une belle direction d'acteurs. Bonne idée également la multiplication d'Arabella valsant pendant que son adorateur la cherche. La note de couleurs plus vibrantes est mise dans l'apparition de "Milli des Cochers", soprano léger dont le rôle n'est pas sans rappeler la "Zerbinetta" d'Ariadne. La voix, petite mais très bien projetée, de Iride Martinez assure ce rôle avec aisance.
Les parents, douteux et désolés, sont très bien campés par Doris Soffel (mezzo) et Kurt Rydl (baryton-basse).
Joseph Kaiser, jeune baryton, est un Matteo très crédible, de même que Genia Kühmeier qui joua et chanta avec justesse et émotion le rôle délicat de Zdenka.
Le baryton Michael Volle est la très bonne surprise de cette distribution dans le rôle de Mandryka. La voix est large, le timbre coloré, le style et la prononciation parfaits. Il est ce personnage à la fois bourru, naïf et attachant et ne manque pas, parmi les traits appuyés du personnage de comédie, de chanter avec beaucoup de legato et d'élégance les mesures les plus lyriques.
La tête d'affiche de cette production était la soprano américaine, Renée Fleming, très attendue à l'ONP depuis l'arrivée de Nicolas Joel à la direction.
Au physique et à la présence scénique, la belle Renée demeure sans doute, à 57 ans, une des plus crédibles Arabella.
Vocalement, on peut regretter que le médium se perde un peu dans les sonorités de l'orchestre et passe difficilement la fosse dans la première partie. La seconde partie en revanche, plus légère, permet à la chanteuse de déployer tout son art et la suavité de don beau timbre. On perçoit cependant, malgré des aigus parfaitement placés et toujours très enrobés et crémeux, une pointe d'acidité dans les notes de passage. Comme un léger parfum d'automne s'instillant dans cette voix qui nous donna certainement davantage de bonheur qu'elle ne nous en donnera...