dimanche 19 février 2012

Deci - delà mais... toujours de l'opéra !

Le mouvement du calendrier me semble toujours s'accélerer me laissant de moins en moins de temps pour vous faire part de mes émotions diverses et variées. Je vais donc vous en livrer, en un seul jet, quelques-unes ressenties ces dernières semaines à Londres, Fontainebleau (via N.Y.) et à Paris.

Tout commence donc de l'autre côté du Tunnel au tout début du mois. Premier concert chez nos ennemis intimes dans la très jolie salle "Wigmore Hall" pour un très agréable récital piano-chant.


La soprano Martina Jankova et la mezzo-soprano Bernarda Fink, accompagnées par Roger Vignoles, nous ont distillé de très belles mélodies de Dvorjàk, Brahms et Schumann. Les voix de ces deux chanteuses se mêlent avec beaucoup de délicatesse et .
musicalité, les deux timbres s'accordent avec un bel équilibre harmonique et beaucoup de sensibilité, bien souligné par l'accompagnement du piano joué avec le même engagement de justesse expressive.


Autre salle londonienne : The Royal Opera House
Quelques jours après une répétition générale d'un spectacle de ballets - pas de grandes chorégraphies mais l'occasion de voir danser le Corps de Ballet de Covent Garden qui vit éclore le talent de Margot Fonfeyn et dont les qualités techniques et de cohésion, sont bien préservées - nous prenions place le 3 février pour la représentation de Don Giovanni dans la mise en scène de Francesca Zambello.

Un très beau décor unique en demi-cercle, utilisé sous toutes ses faces, permettait la lisibilité de l'évolution de l'action, dans de très beaux éclairages. Comme toujours avec Zambello, des moments d'urgence intenses et une belle utilisation de l'espace. Elle dédaigne l'aspect philosophiquement sombre et dramatique pour une vision plus vive, plus mobile mais sans agitation désordonnée et une lecture distanciée et quelque peu dérisoire des agissements du plus célèbre des "tombeurs"



L'ensemble parfaitement servi grâce à une très bonne direction d'acteurs.

Vocalement, la première réflexion qui me vient est l'homogénéité. Indépendemment du rôle titre, magnifiquement interprèté par Gerald Finley - très beau timbre, style mozartien impeccable, volume et tessiture idéaux, le tout allié à un physique très avantageux dans sa belle tenue rouge... un vrai DON GIOVANNI ! - je loge dans un même concert d'éloges : Hibla Gerzmava en Donna Anna, Katarina Karnéus en Donna Elvira, Adam Plachetka en Masetto et surtout, Matthew Polenzani qui nous a enchantés dans le rôle de Don Ottavio. Légèrement en-deça de l'ensemble, la Zerline de Irini Kyriakidou, le Commandeur de Marco Spotti (insuffisant surtout au finale) et le Leporello de Lorenzo Regazzo. Bonne prestation de l'orchestre et des choeurs du Royal Opera House, emmenés par Constantinos Carydis.

Une très belle soirée à Covent Garden.

De retour à Paris, c'est dans le cinéma Ermitage de Fontainebleau que je prenais place pour la retransmission en direct de la dernière journée du Ring au MET.

En premier lieu je tiens à dire que je suis de plus en plus touchée par cette partition qui clôt cette oeuvre de Richard Wagner et qui n'est pas loin de rejoindre Walkyrie dans mon Panthéon.


Sinon, il ne fallait pas s'attendre à ce que Robert Lepage innove ici davantage que dans les trois ouvrages précédents, comme certains déçus semblaient l'avoir pensé. De la même manière que Krämer à Paris, Lepage lancé dans une idée maîtresse dont le fondement est descriptif et s'appuie sur un décor "moniteur d'images" parfois très réussies - le Rhin -, parfois moins - le finale -, ira jusqu'au bout de sa créativité. On a donc retrouvé les pâles-à-tout-faire avec plus ou moins de bonheur selon leur usage. Quelques bonnes idées : la scène des Nornes, le sang dans le Rhin, le Rhin et ses "filles", le cheval dans la première utilisation, les sillons du bois en coupe pour le Frêne dont le centre servit à Wotan pour tailler sa lance (c'est mon interprétation...)..

Alors, oui, le finale est sans conteste le moins bien réussi de cette production. Mais je n'en ai pas encore vu un vraiment réussi, celui de Chéreau à Bayreuth restant sans doute le meilleur de ces dernières decennies mais, à mon sens, pas en complète osmose avec l'impact musical et philosophique de l'oeuvre


Vocalement, je persiste et signe,Deborah Voigt était samedi, en très grande forme. Des aigus charnus et colorés, un beau legato et une belle présence scénique. Reste un médium acide et, certainement en salle, un peu court en volume.

Je persiste et signe également pour la très impressionnante prestation de Waltraud Meyer, même si tout n'est pas parfait dans sa voix maintenant ; la tension qu'elle fait peser sur scène était perceptible en salle (au moins au cinéma...) et l'on aurait entendu les ailes d'un papillon se déplier !

Le meilleur - et de loin - reste Hans-Peter König pour un Hagen d'une grande vaillance, dans un style impeccable et avec un timbre d'une immense richesse.
Le moins bon, pour moi, est le Siegfried de Jay Hunter Morris, très insuffisant vocalement et scéniquement.

Je persiste et signe également pour la très mauvaise prestation de l'orchestre : cuivres faux et couac permanents, absence de souffle surtout dans la Marche Funèbre, départs en cascade chez les cordes... On ne remerciera jamais assez Philippe Jordan et les musiciens de l'ONP pour la qualité musicale du Ring parisien.

Pour terminer, j'assistai ce mercredi au Don Pasquale de Gaetano Donizetti donné au Théâtre des Champs Elysées.
A noter la très mauvaise qualité du public de cette représentation : bruyant, inattentif et particulièrement mal-élevé - certains n'hésitant pas à s'installer à des places qui n'étaient pas les leurs avant que tout le monde ait été placé ! Je vous laisse immaginer les conditions des premières mesures de l'ouverture...

Pour ce qui est de la représentation, je suis restée sur ma faim.

Tout metteur en scène d'opéra sait que, sur un grand plateau, on ne fait pas chanter les interprètes sans décor, celui-ci réfléchissant les voix vers la salle. Or, Denis Podalydès signe une mise en place dans un espace où tout est ouvert, meublant avec une camionnette Citroen années 50 dont on ouvre ou ferme les auvents ; quelques lumières clignotantes et basta !

Une simple mise en place donc, dans trop d'espace où les voix vont se perdre. Si on ajoute à cela l'absence de réelle direction d'acteurs et la tristesse des costumes (pourtant signés Lacroix), il ne reste pas grand chose de cette pantalonnade : du "sous-sous-Pelly".

Dans la fosse, le National est méconnaissable : sans nuance, sans rythme. Le solo de trompette qui précède la sérénade est joué en coulisse, trop haut ! (sans doute n'entendait-il pas bien les autres musiciens). Cela n'a pas facilité la tâche de Francesco Demuro, ténor sarde pour la preière fois à Paris.

Et, puisqu'on en parle, parlons de la distribution... de série B
Le ténor donc : des moyens indéniables, un bel aigu, un timbre agréable sans plus et, surtout, une technique rudimentaire : manque de nuances, chante tout forte alors que ses rares piani sont jolis.
Perfectible donc, encore faut-il qu'on lui en laisse le temps...

Désirée Rancatore est tout sauf Norina. Trop de volume, technique désordonnée, des trous entre médium et aigu, timbre quelconque ; scéniquement, du métier, du charme mais complètement hors sujet.

Le Dr Malatesta de Gabriele Viviani est dans le ton de cette distribution. Un beau timbre de baryton, mais un aigu court et une diction molassonne.


Reste le Don Pasquale : Alessandro Corbelli fut un grand Malatesta. Il n'en a plus les moyens vocaux et nous livre un Don Pasquale très en retrait malgré une présence scénique drôle et savoureuse ainsi qu'une diction parfaite.

Une soirée très en deça de l'attendu et pas à la hauteur du T.C.E. Dommage !

A bientôt pour de prochaines aventures musicales.